lundi 31 octobre 2011

Marcel Conche



Marcel Conche, né le 27 mars 1922 à Altillac, est un philosophe français, professeur émérite de philosophie à la Sorbonne.(...)

Agrégé de philosophie, docteur ès lettres, Marcel Conche a produit une œuvre colossale et variée qui traite de nombreuses questions de la métaphysique. Dès ses premiers ouvrages, il a développé une métaphysique générale et vaste, avec des études sur la mort (La Mort et la pensée, 1975), le temps et le destin (Temps et destin, 1980), Dieu, la religion (Nietzsche et le bouddhisme) et les croyances, la nature, L'Aléatoire (1989) et le hasard, la liberté enfin.
Dès son plus jeune âge, la notion de Dieu perdit toute espèce de consistance aux yeux de Marcel Conche : « L'expérience initiale à partir de laquelle s'est formée ma philosophie fut liée à la prise de conscience de la souffrance de l'enfant à Auschwitz ou à Hiroshima comme mal absolu, c'est-à-dire comme ne pouvant être justifié en aucun point de vue. »
Bien qu'élevé dans le christianisme, Marcel Conche a très tôt rejeté l'explication théologique du monde. La philosophie de Conche ne conçoit pas l'existence de Dieu ; en cela, il est un philosophe athée. Néanmoins, si la philosophie se coupe par essence de la théologie, elle ne doit pas se constituer en science ni prétendre vouloir le faire.
Conche soutient (en prenant pour base son expérience personnelle) que le questionnement philosophique naît « par l'essor spontané de la raison »: « La philosophie, c'est l'œuvre de la raison humaine et elle ne peut pas rencontrer Dieu ». C'est pourquoi il s'est toujours senti proche de la philosophie grecque qui commence avec Anaximandre « le premier écrivain philosophe ».
Selon Conche, les grands penseurs modernes (Descartes, Kant, Hegel) ne sont pas des philosophes authentiques car ils ont voulu utiliser « la raison pour retrouver une foi pré-donnée ». Ils n'ont pas compris ce qu'est la philosophie comme métaphysique mais ont tenté d'en faire une science, ce qui apparaît à Conche comme une erreur fondamentale : « La philosophie comme métaphysique, c'est-à-dire comme tentative de trouver la vérité au sujet du tout de la réalité, ne peut pas être de la même nature qu'une science. Elle est de la nature d'un essai, non d'une possession : il y a plusieurs métaphysiques possibles, parce qu'on ne peut trancher quant à ce qui est la vérité au sujet de la façon de concevoir la totalité du réel. La métaphysique n'est donc pas affaire de démonstration, mais de méditation. »
Le vrai philosophe de l'époque moderne serait Montaigne (Montaigne et la philosophie), car il a réussi, de l'avis de Conche, à écrire son œuvre indépendamment des croyances collectives de son époque.(...)

Dans son naturalisme, Conche soutient la phusis grecque, la nature au sens le plus englobant du terme : « L'absolu pour moi, c'est la nature. La notion de matière me paraît insuffisante. Elle a d'ailleurs été élaborée par les idéalistes et c'est hors de l'idéalisme que je trouve ma voie. Il est très difficile de penser la créativité de la matière.[...] La nature est à comprendre non comme enchaînement ou concaténation de causes, mais comme improvisation; elle est poète. »
Il retrouve sur ce point la pensée des présocratiques, avec lesquels il ne cesse de dialoguer sur le Tout de la réalité (en particulier dans la Présence de la Nature, 2001) : « L'homme est une production de la nature et la nature se dépasse elle-même dans l'homme. En donnant des aperçus sur la nature qui se complètent, les présocratiques sont tout à fait différents des philosophes de l'époque moderne qui, eux, construisent des systèmes qui s'annulent. Parménide nous révèle l'être éternel, Héraclite, le devenir éternel, Empédocle, les cycles éternels. Il y a une complémentarité entre eux. De la même façon, les poètes se complètent. La physis grecque ne s'oppose pas à autre chose qu'elle-même, alors qu'au sens moderne la nature s'oppose à l'histoire, à l'esprit, à la culture, à la liberté. La physis est omni-englobante. »
Soucieux du devenir de la planète, il se revendique « en faveur de ce que l'on appelle la décroissance». (...)
Source du texte : wikipedia


Bibliographie : 


- La Mort et la pensée (1972), 2007, Ed. Cécile Defaut.
- Nietzsche et le bouddhisme (1987), 2007, Ed. Michalon
- Avec des si, Journal étrange, T.1, 2006, Ed. PUF, 2006
- Oisivetés, Journal étrange, T.2, Ed. PUF, 2007
- Noms, Journal étrange, T.3, Ed. PUF, 2008
- Diversités, Journal étrange, T.4, Ed. PUF, 2009
- Corsica, Journal étrange, T.5, Ed. PUF, 2010
- Philosopher à l'infini, Ed. PUF, 2005
- Épicure (Lettres et Maximes), Ed, PUF, 2005
- Lao Tseu - Tao Te King, traduction et commentaires, Ed. PUF, 2003
- Héraclite - Fragments, traduction et commentaires (1986), Ed. PUF, 2005
- Analyse de l'amour et autres sujets, Ed. PUF, 2005
- Parménide (le poème), Ed. 2004
- Heidegger par gros temps, Ed, Les Cahiers de l'Égaré, 2004
- Confession d'un philosophe - Réponses à André Comte-Sponville, Ed. Albin Michel, 2003
- Le sens de la philosophie, Ed. Encre Marine, 2003
- Quelle philosophie pour demain ? Ed. PUF, 2003
- Lucrèce et l'Expérience, Ed. Fides, 2003
- Ma vie antérieure & le destin de solitude, Ed. Encre Marine, 2003
- De l'amour, pensées trouvées dans un vieux cahier de dessin, Ed. Les Cahiers de l'Égaré, 2003
- Le fondement de la morale, Ed. PUF, 2003
- Essai sur Homère (1999), Ed, Quadrige, PUF, 2003
- Montaigne ou la conscience heureuse, Ed. PUF, 2002
- Temps et destin, Ed. PUF, 1999

- Présence de la nature, Ed. PUF, 2001
- L'aléatoire, Ed. PUF, 1999
- Montaigne et la philosophie, Ed. PUF, 1999
- Vivre et philosopher, Ed. PUF, 1998
- Orientation philosophique, Ed, PUF, 1996
- Pyrrhon ou l'apparence, Ed. PUF, 1994
- Anaximandre. Fragments et Témoignages, Ed. PUF, 1991.
- La Voie certaine vers "Dieu" ou L'Esprit de la religion, Ed. Les Cahiers de l'Égaré, 2008
Etudes :
Pliar Sanchez Prozco, Actualité d'une sagesse tragique, la pensée de Marcel Conche, 2005, éd. Les Cahiers de l'Égaré.

Voir aussi la page : L'auto-dévoilement de l'apparence

« La mort ne peut plus m'enlever ma vie »
Marcel Conche, à l'occasion de la parution de son Journal étrange, nous a reçus chez lui, dans l'Ain. Il revient sur ses origines ­paysannes, son athéisme, sa conception de la nature, de la morale et sa vision de la mort. « A sauts et à gambades », comme le disait son maître Montaigne, se dessine une sagesse libre, loin de tout dogmatisme, ouverte sur l'être, disponible à l'autre. Propos recueillis par Juliette Cerf

Philosophie Magazine : Votre philosophie, athée, découle en partie d'une réflexion sur la souffrance des enfants comme « mal absolu ». Dans Orientation philosophique, vous écrivez : « La souffrance des enfants devrait suffire à confondre les avocats de Dieu. » Pourriez-vous développer cette idée ?

Marcel Conche : Philosopher par soi-même, cela veut dire être initialement bouleversé par une expérience fondamentale. Schopenhauer a dit que toute philosophie n'était que le développement d'une unique pensée. Bergson a repris cette idée. En ce qui me concerne, l'expérience initiale à partir de laquelle s'est formée ma philosophie fut liée à la prise de conscience de la souffrance de l'enfant à Auschwitz ou à Hiroshima comme mal absolu, c'est-à-dire comme ne pouvant être justifié en aucun point de vue. L'article véhément que vous citez est initialement paru dans la Revue de l'enseignement philosophique en 1958 ; je l'écrirais autrement aujourd'hui. Dans le numéro suivant, Albert Sandoz publiait une réponse où il reprochait au comité de rédaction d'avoir laissé passer sans aucune réserve un tel article. Albert Sandoz eût dû voir dans mon article une invite à purifier sa conviction chrétienne de toutes les scories qu'a produites chez les théologiens et les philosophes théologiens la rationalisation de la parole. Mais Sandoz philosophe pouvait difficilement­comprendre qu'il devait, en tant que croyant, renoncer à la réflexion. Si j'ai souvent dit que la notion de Dieu n'est pas une notion philosophique, c'est pour que mon argument à partir de la souffrance des enfants n'ait pas de portée contre la religion comme forme de vie. Je m'en prends aux philosophes théologiens, aux justificateurs de Dieu, non à ceux qui croient à la révélation.

La philosophie, absolument coupée de la théologie, ne peut prétendre, selon vous, à se constituer comme ­science... Quelle est-elle alors ?

M. C. : Moi qui avais été élevé dans le christianisme (sans avoir été croyant, mais seulement superstitieux), j'ai rejeté très tôt l'explication théologique du monde. Je me suis tourné vers la philosophie dès mon adolescence, sans avoir subi une influence culturelle quelconque. J'ai été élevé dans un milieu paysan où cette discipline était totalement ignorée. Le questionnement philosophique est né en moi par l'essor spontané de ma raison. La philosophie, c'est l'oeuvre de la raison humaine et elle ne peut pas rencontrer Dieu. C'est pourquoi la vraie philosophie est grecque. La spiritualité sans Dieu. Les philosophes de l'époque moderne – Descartes, Kant, Hegel – sont des chrétiens qui utilisent la raison pour retrouver une foi pré-donnée. Je ne les considère pas comme des philosophes authentiques. Ce sont de grands penseurs par leur influence. Mais le vrai philosophe de l'époque moderne, c'est Montaigne. Il a écrit son oeuvre dans une grande indépendance à l'égard des ­croyances collectives, notamment à l'égard de la croyance monothéiste qui imbibait la société. Descartes, Kant, Hegel n'ont pas compris ce qu'est la philosophie comme métaphysique. Pour eux, elle doit prendre la forme de la science. C'est une erreur fondamentale car la philosophie comme métaphysique, c'est-à-dire comme tentative de trouver la vérité au sujet du tout de la réalité, ne peut pas être de la même nature qu'une science. Elle est de la nature d'un essai, non d'une possession : il y a plusieurs métaphysiques possibles, parce qu'on ne peut trancher quant à ce qui est la vérité au sujet de la façon de concevoir la totalité du réel. La métaphysique n'est donc pas affaire de démonstration, mais de méditation. Quand vous élaborez vous-même une métaphysique, les autres vous semblent être des possibilités abstraites, théoriques, que vous ne pouvez pas vivre. Nos affirmations métaphysiques expriment non des opinions, mais des convictions vécues. Les opinions sont changeantes… Par exemple, mes jugements au sujet des hommes politiques peuvent changer. Je n'aurais jamais imaginé que Ségolène Royal, prétendument socialiste, ferait l'éloge de Tony Blair, qui s'est rendu coupable d'une guerre d'agression en Irak.

Sceptique, vous vous méfiez des systèmes, des dogmes, des philosophies constituées. Votre philosophie n'a cessé d'évoluer et de trouver sa cohérence en évoluant…

 M. C. : Pendant longtemps, j'ai été très sensible au caractère transitoire de toute chose, au caractère évanouissant des êtres finis. J'ai alors donné une interprétation nouvelle du pyrrhonisme. Le scepticisme de Pyrrhon consiste à dire que si nous ne pouvons ­connaître le fond des choses, nous pouvons être certains de la façon dont elles nous apparaissent. Nous ne pouvons dire que le miel « est », mais seulement qu'il nous « semble » doux. Cette opposition entre l'être et l'apparence, qui est l'opposition fondamentale de la métaphysique, notamment de celle d'Aristote, j'ai montré qu'elle était abolie chez Pyrrhon. En définitive, il n'y a plus d'être, intuition que l'on retrouve chez Montaigne : « Pourquoy prenons-nous titre d'estre, de cet instant qui n'est qu'une eloise [un éclair] dans le cours infini d'une nuict ­eternelle ? » A ce moment-là, je n'étais pas arrivé à la distinction que je fais dans Présence de la nature entre temps immense et temps rétréci. Nous pensons dans un temps rétréci. Nous ne pensons pas que ce temps présent n'est rien du tout dans le temps immense de la nature. Quand nous nous voyons les uns les autres, nous ne nous pensons pas comme des ­mortels, des êtres éphémères qui vont bientôt s'évanouir. Au début, j'ai soutenu une sorte de nihilisme ontologique. C'est à cette époque que j'ai commenté Héraclite : « Tu ne peux entrer deux fois dans le même fleuve », « Tout ­s'écoule », etc. Mais en définitive, il m'est apparu que le « tout s'écoule » est éternel, que le devenir est éternel. Donc la nature est éternelle : c'est ce qu'avait dit Parménide.

Tout s'écoule oui, il y a ceci et après, il y a cela, mais il y a toujours le « il y a ». Vous êtes naturaliste et non matérialiste. Comment ­comprendre cette différence ?

M. C. : L'absolu pour moi, c'est la nature. La notion de matière me paraît insuffisante. Elle a d'ailleurs été élaborée par les idéalistes et c'est hors de l'idéalisme que je trouve ma voie. Il est très difficile de penser la créativité de la matière. Or Epicure a bien montré qu'il fallait qu'il y ait une génialité de la nature sans laquelle elle n'aurait rien créé. Le jaune du forsythia n'était pas présent dans le terreau. Ce jaune, cette qualité, a surgi. Si, dans les faits, il n'y avait rien de plus que la cause, la nature serait d'une absolue monotonie. La causalité n'est pas une simple répétition, c'est une innovation. Ainsi, Epicure a imaginé cette espèce d'espièglerie de l'atome. J'ai découvert la nature comme physis (totalité) avec Anaximandre, le premier philosophe de la nature la pensant comme infini (apeiron), comme étant l'origine de toute chose, douée d'une capacité de créativité indéfinie. La nature est à comprendre non comme enchaînement ou concaténation de causes, mais comme improvisation ; elle est poète. Créatrice, elle doit être pensée poétiquement – ce qu'a très bien vu Bergson, le philosophe moderne le plus en phase avec les philosophes naturalistes d'avant Socrate. L'homme est une production de la nature et la nature se dépasse elle-même dans l'homme. En donnant des aperçus sur la nature qui se complètent, les présocratiques sont tout à fait différents des philosophes de l'époque moderne qui, eux, construisent des systèmes qui s'annulent. Parménide nous révèle l'être éternel, Héraclite, le devenir éternel, Empédocle, les cycles éternels. Il y a une complémentarité entre eux. De la même façon, les poètes se complètent. La physis grecque ne s'oppose pas à autre chose qu'elle-même, alors qu'au sens moderne la nature s'oppose à l'histoire, à l'esprit, à la culture, à la liberté. La physis est omni-englobante.

Là-dessus, je suis en accord avec Spinoza. La nature tient une place essentielle dans votre philosophie. Vos origines rurales ont-elles influencé son élaboration ?

M. C. : Oui, bien entendu, car durant toute mon enfance et mon adolescence, j'ai travaillé comme paysan. Mais ce rapport à la nature, dans mon cas foncier, constitutif, je l'avais oublié sous l'influence de la philosophie universitaire. J'étais destiné à être instituteur. Au lycée de Tulle, j'ai fait la connaissance de ma professeure de lettres qui m'a aidé à apprendre le latin et le grec, et que, plus tard, j'ai épousée. Inscrit à la Sorbonne, j'ai ensuite passé l'agrégation. Là, je me retrouve dans un élément d'intellectualité abstraite où la nature est totalement oubliée. Je me suis ressaisi grâce à Montaigne, et j'ai repris contact avec le fond substantiel de mon être qui est lié à la nature, à une ouverture sur l'être. Cette présence de la nature rend la saisie du monde immédiate. Elle frappe d'inanité les notions de « sujet », de « représentation ».

La question de l'existence du monde extérieur est un faux problème. Voilà pourquoi je me situe bien plus du côté du Dasein heideggerien que du Cogito cartésien. Vous avez expliqué qu'il y avait plusieurs métaphysiques alors qu'il n'y a qu'une morale…

M. C. : Oui, la morale est un absolu. Certains philosophes ne distinguent pas la morale de l'éthique. Elles sont à distinguer radicalement. En venant chez moi, mettons que vous avez vu un blessé sur le bord de la route, c'est un impératif inconditionnel de vous arrêter. Si un peu plus loin, sur la route, quelqu'un vous invite à un spectacle, vous pouvez décider d'y aller ou non. Cela n'a rien d'obligatoire. La recherche du bonheur n'est pas un impératif inconditionnel. Il y a une éthique du pouvoir, du bonheur, du plaisir. Achille cherche la gloire et pose une éthique de la gloire. On choisit d'organiser sa vie en fonction de ce qui nous intéresse. Mais vous n'avez pas le droit de l'organiser d'une manière qui impliquerait le non-respect de la personne des autres. La morale limite donc le domaine dans lequel vous pouvez développer votre éthique. La morale, c'est une sorte de minimum, mais certaines morales abolissent l'éthique. C'est le cas de la morale chrétienne, dont la logique est d'aimer l'ennemi. La logique, c'est la sainteté de Mère Teresa, selon laquelle vous devez vous consacrer à autrui.

C'est un au-delà de ce que la morale rigoureusement exige. Elle n'exige pas que vous aimiez votre ennemi, mais que vous le respectiez en tant qu'être humain. Vous êtes un fervent pacifiste. Ce pacifisme relève-t-il d'une éthique personnelle ou de la morale ?

M. C. : Je ne participe à aucune guerre, quelle qu'elle soit. Je ne tombe pas dans le piège consistant à penser qu'il y aurait des guerres justes. Les enfants ne pouvant comprendre la différence existant entre des bombes justes et des bombes injustes, j'abolis cette différence. Pourtant, que se passe-t-il si l'ennemi est à nos ­frontières ? Là, je n'ai plus le droit de développer une propagande pacifiste, car elle est universelle. Lorsque l'ennemi est là, le pacifisme est en contradiction avec lui-même, puisqu'il perd son sens universel en favorisant l'ennemi. Mais moi, personnellement, je reste pacifiste. Ma position ­universalisable, mais ne pouvant être universalisée, reste abstraite, contradictoire. Fondamentalement, pour moi, le rôle de l'homme politique consiste à établir la paix, ce que de Gaulle a très bien compris. Vouloir réaliser la démocratie en l'exportant par la guerre, c'est criminel.

Votre rapport à l'histoire semble contradictoire. D'un côté, vous montrez que c'est la profonde instabilité du siècle qui a orienté votre philosophie. De l'autre, le philosophe doit, selon vous, faire abstraction de son temps. La vraie vie serait-elle anhistorique ?

M. C. : Sur ce point, il me semble qu'il faut distinguer l'action et l'activité. Le philosophe n'a pas à être un homme d'action. Il n'a pas à agir, il a à penser. On ne peut faire les deux choses à la fois : on ne peut aller à Boulogne-Billancourt comme Sartre et formuler la ­vérité la plus juste. Dans le Tao Te king, cette différence est fondamentale, car si le philosophe ne s'engage pas dans l'action, cela n'empêche pas qu'il soit actif. Cette activité consiste en une spontanéité créatrice : lorsque j'étais enseignant, j'étais assujetti à une action, à un emploi du temps. Je ne le suis plus aujourd'hui. J'improvise mes journées. Comme si vivre, c'était poétiser... L'activité, elle, laisse davantage sa chance à la surprise, à l'imprévu. Si l'on considère que la vraie vie réside dans les événements sociaux, politiques, on se situe du côté de Hegel. Selon lui, la vraie vie consiste à nous réaliser, nous objectiver. On se réalise en étant quelqu'un dans la société. Si vous êtes poète, il vous faudra être édité sans quoi vous ne serez pas « réel ». Je prends le contre-pied de cette façon de voir. Je crois qu'il faut attacher une importance infinie aux nuances de nos relations avec les autres. La substantialité de la vie est faite des nuances de l'amitié, de l'amour. A mon âge, l'amour s'est purifié de la sexualité… Il y a plus ou moins de délicatesse chez les êtres. Tous n'ont pas cette intuition d'autrui. Ceux qui vous cataloguent trop rapidement, il faut s'en méfier. Mon athéisme, par exemple, ne me rend pas antichrétien. Ma femme était catholique. Le discernement de la personne est plus essentiel que toutes les croyances et opinions. Ce que l'on oublie parfois précisément dans cet affrontement entre la droite et la gauche. Il y a une fossilisation des personnalités. La vraie vie ne réside pas dans cette fixité.

Dans une très belle page de votre Journal étrange, vous confiez que si la mort survenait aujourd'hui elle ne serait plus privation de vie.

M. C. : Oui, les hommes vivent en moyenne jusqu'à 77 ans et les femmes jusqu'à 83 ans. J'ai aujourd'hui presque 84 ans, je suis déjà de six ans au-delà de la moyenne ! Si je mourais aujourd'hui, je ne perdrais rien. Si j'étais mort à 20 ans, j'aurais perdu presque soixante ans de vie. La mort ne peut plus m'enlever ma vie. Ma vie, je l'ai eue. Je n'appréhende pas le fait d'être mort. Epicure le dit très bien, la mort n'est rien. Il n'y a rien après la mort : je disparais, je m'évanouis, la vie s'arrête. Mais il faut distinguer la mort et le mourir, que j'appréhende. On ne sait jamais comment on va mourir, en dormant ou dans des souffrances atroces. Cela a beaucoup préoccupé Montaigne qui souhaitait mourir sans s'en apercevoir. Dans le cas où l'euthanasie soit une chose raisonnable (si j'avais perdu toutes mes capacités), pour moi, le véritable ami serait celui qui pourrait m'aider à mourir. Mais je n'ai aucun ami à qui je pourrais demander cela. Je n'ai donc pas d'ami parfait… Emile Cioran, que j'ai découvert il y a quelques jours seulement, raconte une scène se déroulant rue de l'Odéon, à Paris. Une femme de 94 ans lui confie qu'elle n'a pas peur de la mort, mais que ce qui l'ennuie le plus est l'idée de devoir quitter la rue de l'Odéon ! Cette rue, dit Cioran, ne présente pourtant aucun intérêt… Les gens n'ont pas peur de ce qui viendra après la mort. Ce qui fait peur, c'est de quitter la vie, ce à quoi l'on est le plus attaché.
Source du texte : Philosophie magazine





Les Racines du ciel par Frédéric Lenoir, Leili Anvar
Un philosophe en ses terres avec Marcel Conche 30.11.2014

















dimanche 30 octobre 2011

Hechizo flamenco group




Après avoir sillonné les routes de Suisse romande et du Tessin, Hechizo flamenco group présentera son premier spectacle à Genève, le samedi 5 novembre à l’Espace Grange-Collomb (Carouge).

Fondé il y a 20 ans par trois guitaristes, Hechizo flamenco group s’est enrichi au cours des deux dernières décennies de nouvelles rencontres humaines et artistiques.  Actuellement formée de 7 membres, tous « aficionados » au flamenco, cette formation musicale très unie allie les traditions anciennes et les influences plus modernes du flamenco. Grâce à la musique, au chant et à la danse, ses spectacles enflammés et colorés vous feront découvrir les différents « palos » (styles) du flamenco. De quoi voyager pendant une soirée aux sons de ces rythmes andalous envoûtants (« hechizo » signifie « sortilège » en espagnol)!




Agrandir le plan

samedi 29 octobre 2011

A Pi Birthday (...)



A l'américaine 3/14 correspond au 14 mars, qui est donc le jour anniversaire de Pi (Pi day) : 3,141592...
Et si pour l'année on prend les deux décimales suivantes (15 pour 1915), ou les quatre (1592), Pi aura alors 97, ou 420, ans le 14 mars 2012.

Et Pi alors ?
La date du jour, 29 octobre 2011, s'écrit donc 10/29/11 ou 10/29/2011, ou encore (chez nous) 29/10/11 ou 29/10/2011. Supprimons les barres obliques nous obtenons un nombre à 6 ou 8 chiffres.
Cette date, ou n'importe quelle autre, celle de votre anniversaire par exemple, se trouve dans Pi !
Comme vous pouvez le vérifier sur ce site : angio
29102011 par exemple, se trouve après les 10 691 401 premières décimales.

Tous les nombres de 6 ou 8 chiffres se cachent (de nombreuses fois) dans Pi, mais est ce le cas pour n'importe quel nombre ?
Autrement dit Pi est-il un nombre univers ?  La question est encore en suspend.

Et Pi alors ?
Un nombre univers est un nombre réel dans lequel on peut trouver n'importe quelle succession de chiffres de longueur finie, pour une base donnée. La constante de Champernowe en est un exemple en base 10, c'est la simple concaténation des entiers croissants dans les décimales :
C = 0,123456789101112131415161718192021222324252627282930...

On se souviendra qu'un texte, mais aussi un son, une musique ou une image, et donc un film, peut s'encoder sous forme numérique, que ce soit en binaire (en base deux) ou en décimal (en base 10).
Comme vous pouvez le vérifier sur cet autre site : translator 
Par exemple "Bon anniversaire !" correspond à  :
66 111 110 32 97 110 110 105 118 101 114 115 97 105 114 101 32 33

Et Pi alors ?
Le livre que vous venez de lire : dans Pi ! Le film de vos dernières vacances : dans Pi ! (...) La photo de votre passeport : dans Pi ! (...) Votre premier baiser : dans Pi ! Le prochain : aussi dans Pi ! (...)
Mais pas seulement. La symphonie inachevée achevée : dans Pi ! Le livre que vous rêvez d'écrire : dans Pi ! Tous les livres jamais lu et jamais écrit : dans Pi ! Vous courez le 100 m. en moins de 9 secondes : dans Pi ! Vous avalez la voie lactée : dans Pi ! (...)

Autrement dit : tout est dans Pi ! Présent, passé, futur, et bien plus, tous les mondes possibles sont dans Pi !
(Ou tout est dans un nombre univers, qui sont eux-mêmes en nombre probablement infini, et d'une manière infinie dans un nombre normal).

Et Pi alors ?
La suite de ce post aussi est dans Pi, alors pourquoi est-ce que je prendrais la peine de l'écrire...


P.S.
On peut imaginer que tôt ou tard non seulement les objets visuels et sonores mais aussi ceux des autres sens (odorants, gustatifs et tactiles) se laisseront numériser. Nous serons alors en mesure de recréer un monde fictif quasi- indiscernable du monde réel. La question est de savoir si le monde numérique ne sera jamais qu'une représentation du monde réel (ou des mondes possibles) ou si le monde réel a une essence mathématique ?
Ce post étant suffisamment long, je vous laisse découvrir ma (brillante) réponse dans le nombre univers, ou bien normal, de votre choix.

Quelque liens :
Pi wikipedia
Nombre univers wikipedia
Nombre normal wikipedia
Constante de Champernowe wikipedia
Votre date de naissance dans Pi : Pi search
Convertisseur : Translator, binary
Science étonnante / L'univers de Pi / Les décimales de Pi
100 millions de décimales en téléchargement (fichier zip)
Séquences de De Bruijn / Générateur


Si le diamètre du cercle est 1, la circonférence est Pi.



En bonus les 100 000 premières décimales de Pi - à mémoriser avant le 14 mars de l'année prochaine. (Chaque ligne contient 78 décimales, et il y a 1282 lignes entières + 5 chiffres). Ainsi vous pourrez égaler le record de Akira Haraguchi, un psychiatre japonais (!) qui a pris 16h pour toutes les réciter -avec quand même cinq minutes de pause toutes les deux heures pour avaler une boulette de riz.
Si cela ne vous suffit pas vous pouvez aussi télécharger Pi avec 100 millions de décimales : fichier txt (en zip) 


vendredi 28 octobre 2011

Aziz Nasafî


Parmi les écrivains soufis, ‘Azîz Nasafî est l’un des plus anciennement connus en Europe, bien que son oeuvre soit en majeure partie inédite; les manuscrits de ses oeuvres sont pourtant très nombreux, et il a été beaucoup lu. Cela ne va pas sans inconvénients: ses écrits ont bien souffert de leur popularité et leur tradition manuscrite est très compliquée. L’établissement d’éditions sûres, telle que celle qui est ici présentée, est donc indispensable à l’étude d’un auteur incontournable : avec sa théosophie, de structure ismaélienne et d’affinités duodécimaines, Nasafi apparaît comme le représentant d’un de ces mouvements shî’ites dont le bouillonnement est si caractéristique pour les deux siècles qui séparent l’époque des Mongols de celle des Safavides.
Source du texte : ifriran


Bibliographie :
- Le Livre de l'Homme parfait, Ed. Institut de Recherche en Iran, 2005
- Le Livre de l'Homme parfait, Ed. Fayard,
Extrait dans :  Le Livre des Sagesses, sous la direction de Frédérique Lenoir, Ed. Bayard, 2004.
Etude en ligne :
Aziz Nasafi et l'expérience visionnaire par Llyod Ridgeon : Journal Soufi


O Derviche! Le pèlerin sur la première voie est celui qui, chaque jour, découvre et retient une chose qu'il ignorait. Le pèlerin sur la seconde est celui qui, chaque jour, oublie une chose de ce qu'il savait. Sur le premier chemin, le devoir est, chaque jour, de noircir un morceau de la page blanche. Sur le second, tout l'emploi du temps est, chaque jour, de blanchir une partie du coeur noirci.
Extrait de : Le Livre de l'Homme Parfait
Source du texte : Fayard

O Derviche ! Il faut atteindre cet Océan englobant, cette lumière illimitée et voir cette lumière. Il faut regarder sous cette Lumière afin d'être délivré de l’idolâtrie. Alors, incarnation et identification sont réfutées; désaveu et reniement, levés. La paix, avec toutes les créatures du monde s'établit. Lorsque tu parviens à cette Lumière et la vois, tu sais et vois avec certitude qu'elle est le support du monde et des étants; qu'il n'est pas un atome d'entre les atomes qui ne participe à cette Lumière divine, qui ne soit englobé par elle, qui n'en soit averti, qui n'en soit l'expression. Toute la création, comparée à sa grandeur, est comme une goutte d'eau à côté de l'océan - que dis-je ! moins encore. Tous les étants ont une limite, l'essence de la Lumière est illimitée. Ce qui est limité ne saurait d'aucune manière être comparé à ce qui est illimité. Tous les étants, d'emblée, sont les épiphanies de Ses attributs. Donc, quels que soit le côté vers lequel on se tourne, c'est toujours vers elle que l'on se tourne. Quelle que soit la chose que l'on adore, c'est toujours elle que l'on adore, quand bien même on l'ignore.
Mon vénéré Maître me rapportait ainsi : "J'accédai à cette Lumière et la vis. C'était une Lumière illimitée, infinie; un Océan sans fond et sans rive. Sous cette Lumière, je restai ébloui. Le dormir, le boire, le manger, toute notion de perte et de profit me quittèrent. Je m'ouvris de cet état à mon Maître. Celui-ci m'ordonna d'aller sur le lieu de la moisson d'un quidam et d'en prélever une poignée de paille sans la permission de Dieu. Ainsi fis-je; et je ne vis plus la lumière. - Ah, Maître ! dis-je, cette lumière ne relève pas des sens. Elle ne saurait être vue par les yeux de chair; elle ne le pourrait que par les yeux du secret. - Ami ! répondit le Maître, cette lumière peut être vue, et par les yeux de chair, et par les yeux du secret. - Maître ! Le signe de celui qui a atteint cet Océan de lumière est qu'il est immergé en lui. Désormais il ne se voit plus lui-même : il ne voit que l'Océan. - La contemplation ne dure pas, dit-il. - Maître ! La contemplation est une chose; la vision en est une autre. - La contemplation ne dure pas, reprit-il, alors que la vision est éternelle."
O Derviche ! Atteindre cette Lumière, voir cet Océan, est chose difficile à l'extrême; c'est là le rang suprême. Pour y accéder, il faut s'astreindre à l'ascèse et au travail, avec constance, des années durant. L'ascèse passagère de celui qui est préoccupé par les affaires du monde est vaine - elle n'ouvre aucune porte.
O Derviche ! Si tu as l'énergie spirituelle de cette entreprise et veux t'y adonner, renonce d'abord à toute autre. Brise les idoles, n'aie plus qu'une seule direction, une seule quibla, acquiers la concentration et le détachement. Alors, au commerce d'un Sage, de nombreuses années durant, montre-toi constant en ascétisme et en effort, afin, en premier lieu de rendre pur et limpide le miroir de ton corps - que celui-ci devienne transparent et apte à recevoir la lumière. C'est là le début de l'épreuve. Ensuite, par le polissage du travail assidu, rends pur et brillant le miroir de ton coeur et la Lumière de Dieu viendra s'y réfléchir. C'est là la terme de l'épreuve, Une fois la Lumière de Dieu apparue, le pèlerin sait et voit avec certitude que Dieu est en tout. "Il faut Ta lumière pour Te voir". Quand le pelerin arrive à cette Lumière illimitée, infinie, à cet Océan sans fond, sans rive - Cette Lumière même, par l'éloquence silencieuse, devient son guide. (...)
Extrait de : Le Livre de l'Homme parfait


jeudi 27 octobre 2011

Un autre regard sur la douleur

... dans le Sivaisme du Cachemire.

Un passage extrait du chapitre 2 de la troisième partie de la thèse de doctorat de Michel Hulin (Le principe de l'égo dans la pensée indienne classique, La notion d'ahamkara, Institut de Civilisation Indienne. fasc. 44, Ed. De Boccard, 1978), partie consacré au Sivaisme du Cachemire (La notion de purnahamta dans le Sivaisme du Cachemire). L'ouvrage est malheureusement épuisé.




Chapitre II. Expérience affective et expérience mystique.

B. Jouissance, douleur, émerveillement. 
(...)
   Il nous reste à examiner un dernier cas, le plus paradoxal de tous, celui de la douleur. La douleur n'est, si l'on veut, que l'imperfection du plaisir et, en ce sens, elle imprègne toute l'expérience, ne cessant complètement qu'au seuil de la joie mystique la plus haute. Mais, au sens restreint, elle désigne certains types d'expérience affective où la conscience parait tout à fait incapable de se ressouder à elle-même et subit passivement son déchirement. Passivité apparente, cependant, puisque chacun reconnaît que la douleur comporte des degrés. Or l'intensité d'un affect, quel qu'il soit, signale l'activité même de la conscience. Dans la douleur intense, donc, la conscience doit être considérée comme se révoltant contre ce qu'elle subit, et cette révolte peut constituer le point de départ d'une pratique mystique de désindividualisation.

"Et cet émerveillement est présent dans la douleur elle-même. Une certaine joie intérieure, faite d'énergie, que nous donnait (jadis) une épouse ou un fils, vient refleurir dans l'ébranlement suscité par une imagination, la vue de (personnes) semblables à eux, un gémissement entendu, etc. Nous pensons : 'Ils ne reviendront plus', et telle est la réalité de la douleur, celle d'un certain émerveillement où l'on est sous l'empire de la désespérance. On a dit : 'Dans la douleur même', parce qu'il y a épanouissement (de la conscience)...".
La douleur - moins la tristesse banale que le chagrin cruel - est émerveillement en ce sens qu'elle tient tout entière dans un élan fou de la conscience qui méprise et défie le "verdict de la réalité". C'est parce qu'il se dit "jamais plus..." - et non bien qu'il se le dise - que l'homme frappé par la mort des siens sent s'épanouir sa conscience. Les cris entendus, etc. ne sont pour lui que l'occasion de ressusciter mentalement ceux qu'il a perdus, de leur procurer une présence hallucinatoire. Son expérience ne deviendra souvenir, évocation mélancolique, qu'avec son fléchissement  quand elle recommencera à accepter le verdict de la réalité. Mais son tout premier élan aura été comme une flambée de protestation véhémente, consumant le soi-disant irréparable. Ce sont les petites joies et les petites douleurs qui paraissent s'opposer, parce qu'elles voisinent, alternent et font contraste. Mais, comme deux mobiles s'éloignant l'un de l'autre sur une circonférence finissent par se rejoindre au point diamétralement opposé à celui de leur séparation initiale, l'extrême joie et l'extrême douleur se rejoignent et se confondent dans la vibration originelle qui fait que le monde est monde. L'attitude tantrique face à la douleur ne consistera donc pas à s'opposer à elle par des moyens empiriques ou à la réduire par l'exercice du jugement, encore moins à la fuir en quête d'un apaisement ou d'une consolation, mais à l'épouser dans on premier surgissement, à communier avec son élan sauvage, comme on se laisse soulever par une vague.

"Après avoir perforé une partie quelconque de (son) corps avec un instrument pointu ou autre, si l'on tien alors son esprit appliqué à cet endroit précis, la progression éclatante vers Bhairava (se produira)."
Cette strophe - à coup sur l'une des plus énigmatique du Vijnabhairava Tantra - demeurera pour nous incompréhensible aussi longtemps qu'avec une assurance somnambulique nous passerons à côté de la douleur "physique" en nous imaginant savoir ce qu'elle est. D'ordinaire, nous nous contentons de la définir pas ses causes supposées, ou ses effets, ou simplement de renvoyer à l'expérience vécue. Mais l'expérience vécue est ici aveugle qui nous la présente simplement comme la chose à fuir, celle dont on ne veut à aucun prix. Il nous faut donc apprendre à écarquiller les yeux sur les ténèbres opaques de la sensation douloureuse.

   Il s'agit ici d'une expérience délibérément provoqué et qui présente l'avantage de pouvoir être reproduite à volonté, en raison de son caractère anodin. Ce qu'elle nous révèle, c'est que la douleur est avant tout sa propre anticipation : nous souffrons parce que nous nous attendons à souffrir, incapables d'imaginer qu'il ne tient qu'à nous d'échapper à cette souffrance. Je me pique et j'ai mal. J'en déduis que la piqûre "cause" la douleur, au sens où un phénomène physique quelconque en détermine un autre. Ce faisant, je ne soupçonne même pas ma propre collaboration à la fabrication de cette douleur. Si, au contraire, j'abandonne cette espèce de résignation de principe et me tourne vers la douleur dans l'intention délibérée d'apprendre enfin ce qu'elle est, je ne suis pas peu surpris de la voir se dissoudre sous mon regard. Précisons bien qu'il ne s'agit pas d'en détourner notre attention, à la manière d'un homme qui, occupé à penser intensément à autre chose, peut ne pas remarquer telle ou telle petite "douleur" survenant alors dans son corps. C'est, tout au contraire, l'extrême attention concentrée sur une douleur déterminée, dans son siège précis, qui la fait disparaître en tant que telle. Non qu'elle s'évanouisse comme un fantôme, mais ce qui subsiste, l'élément positif en elle, se dévoile alors comme une surrection de la conscience, un pur tressaillement qui est joie dans son fond.

   Nous commençons alors à entrevoir que la douleur physique ordinaire se ramène à une certaine sclérose de la conscience qui, pour s'être retranchée dans le corps comme dans une forteresse, se sent atteinte dans ses oeuvres vives partout où l'unité fonctionnelle de celui-ci est compromise. Au lieu de percevoir ce qui advient au corps comme un simple moment de sa propre activité universelle, en tant qu'elle est Siva, elle fait du corps un "empire dans un empire" et se raidit contre tout ce qui menace son autarcie. Et cette contraction mentale permanente, cette peur universelle de souffrir, est la souffrance même. L'attention à la douleur physique jette ainsi quelque lumière sur ce phénomène fondamental que le Trika appelle samkoca, contraction ou recroquevillement de la conscience absolue. Si la conscience est amenée à se contracter douloureusement à chaque instant de son existence empirique, c'est parce qu'elle s'est déjà pré-empiriquement contractée - ou, comme on dit, coagulée ou solidifiée - sous la forme du corps. A vrai dire, elle n'est pas enfermée en lui comme un animal en cage, mais le corps est comme la matérialisation de sa propre démission. Elle est en prisonnière, mais seulement au sens où l'on dit qu'un homme est prisonnier de ses habitudes, etc.

   Il est par ailleurs incontestable que l'attention portée à la douleur ne la dissipe que pour un bref instant. Pour peu que la source d'excitation demeure, la douleur, aussitôt, reprend massivement ses droits et, dans son déferlement, submerge la première expérience, (et telle est sans doute la raison pour laquelle l’Exercice" proposé ici utilise la piqûre, douleur ponctuelle dans l'espace et le temps). Mais ce fait n'infirme en rien l'expérience de dissolution de la douleur. Il témoigne seulement de l'extrême difficulté d'une entreprise "contre-nature", s'il en est. Il n'est peut-être pas interdit de penser qu'un entrainement méthodique et continu permettrait de prolonger ces instants où la douleur se résout en joie, de les étendre à des douleurs plus vives, plus complexes, moins bien localisées, etc. Mais l'entreprise prendrait aisément une allure fakirique et contribuerait à détourner l'adepte de son véritable but. Car il s'agit moins de lutter pied à pied avec la douleur "sur le terrain" que de dénouer la Grande Crispation, la Grande angoisse qui nous voue à rencontrer sans cesse la douleur, sous des formes infiniment variées. Et, pour cela, la seule chose qui importe est d'avoir réalisé, ne serait-ce qu'une fois dans sa vie, que la douleur est faite de la même étoffe que la joie et ne nous écrase que du poids de notre propre résignation. (...)

mercredi 26 octobre 2011

Instructions du Bouddha à Bahiya





En référence à ce qui est vu, il n'y aura que ce qui est vu; en référence à ce qui est entendu, que ce qui est entendu. En référence à ce qui est senti, que ce qui est senti. En référence à ce qui est connu, que ce qui est connu. C'est ainsi que vous devriez vous entraîner. Quand pour vous il n'y aura que le vu en référence au vu, que l'entendu en référence à l'entendu, que le senti en référence au senti, que le connu en référence au connu, alors, Bahiya, il n'y a pas de vous en connexion avec cela. Quand il n'y a pas de vous en connexion avec cela, il n'y a pas de vous ici. Quand il n'y a pas de vous ici, vous n'êtes ni ici, ni là bas, ni entre les deux. Cela seulement, est la fin de la souffrance.

Extrait de : Udana Nikaya, I,10. (Troisième livre du Khuddaka Nikaya, ou collection mineur, qui est une des cinq parties du Sutta Pitaka, ou corbeille des enseignements, qui est une des trois parties du Tipitaka, ou canon Pali).
Source du texte : dans le sillage d'Advayavajra
Autres traductions (et textes entiers) : dhamma de la forêt / canon pali 


mardi 25 octobre 2011

Isabelle Ratié


Isabelle Ratié, docteur en philosophie (2009, EPHE, Sorbonne, Paris), est chercheuse à l’Institut für Indologie und Zentralasienwissenschaften (université de Leipzig). Elle a publié plusieurs articles sur la Pratyabhijñā et prépare actuellement l’édition critique et la traduction du chapitre II, 4 de l’Īśvarapratyabhijñāvimarśinī d’Abhinavagupta.
Source du texte : Brill


Si les récents travaux de recherche consacrés au śivaïsme ont permis de mieux comprendre les dimensions religieuses des mouvements śivaïtes médiévaux, les aspects proprements philosophiques de certains des textes produits dans ces milieux demeurent largement méconnus. La présenté étude [Le Soi et l'Autre] se propose de contribuer à combler cette lacune en explorant le système philosophique complexe et original élaboré par les śivaïtes non dualistes cachemiriens Utpaladeva (925-975) et Abhinavagupta (975-1025). Montrant que ce système ne se réduit pas à une exégèse scripturaire, l’ouvrage examine la genèse des concepts de la philosophie de la Pratyabhijñā ou “Reconnaissance” en prenant en compte la complexité du champ philosophique (déjà investi par divers courants aussi bien bouddhiques que brahmaniques) dans lequel la pensée d’Utpaladeva s’est développée.
Source du texte : Brill


Bibliographie (en français) :
- Le Soi et l’Autre. Identité, différence et altérité dans la philosophie de la Pratyabhijñā, Jerusalem Studies in Religion and Culture 13, Brill, Leiden, 2011, 785 pp.
Commande sur Amazon : Le Soi et l'Autre : Identite, Difference et Alterite dans la Philosophie de la Pratyabhijna.
 - Le non-être, une preuve de l’existence du Soi ? La notion d’abhāva dans la philosophie de la Pratyabhijñā, Journal Asiatique 298 (2), 2010, pp. 421-493
- La Mémoire et le Soi dans l’Īśvarapratyabhijñāvimarsinī d’Abhinavagupta, Indo-Iranian Journal 49 (1-2), 2006, pp. 39-103.
En ligne : Introduction aux problèmes de la philosophie indienne classique et médiéval (compte rendu d'un cycle de conférences)

Bibliographie exhaustive : Université de Leipzig


Introduction - Le non-être et la stratégie de la Pratyabhijna.
Rien n'est plus ordinaire que l'expérience du non-être : il n'est pas d'existence pratique sans la compréhension familière que tel objet manque, que telle personne est absente, que telle chose n'est pas telle autre. Cette compréhension a pourtant quelque chose de mystérieux : comment pouvons-nous prendre conscience de ce qui semble devoir échapper à toute perception parce que cela n'est rien ?  (...)
Extrait de : Le non-être, une preuve de l’existence du Soi ? La notion d’abhāva dans la philosophie de la Pratyabhijñā, Journal Asiatique 298 (2), 2010, pp. 421-493


(...)
Il est vrai que cette reconnaissance émerveillée de soi n'est en rien garantie par la raison. Comme Utpaladeva l'admet lui-même, les plus belles démonstrations de cette absence de contradiction ne produisent pas nécessairement, chez un sujet empirique pourtant saturé de bonne volonté, la réalisation de son identité avec la conscience absolue. Car dans un système qui fait une place aussi immense à la liberté, la nécessité de la raison n'est contraignante qu'à condition que la conscience veuille bien se laisser contraindre, et même si la démarche rationnelle du traité parvient au but que la Pratyabhijna lui assigne, il demeure un gouffre entre l'admission théorique de la possibilité de dire du Soi qu'il est le Seigneur décrit par Utpaladeva et Abhinavagupta, et la pleine réalisation de cette identité. Ce gouffre, paradoxalement, n'est qu'un écart infinitésimal, la "pointe" évanouissante d'un acte cognitif : le sujet qui fait nécessairement l'expérience de sa pure subjectivité lorsqu'il comprend l'inférence constituée par le traité est toujours libre d'ignorer cette expérience au-delà du temps et cependant nichée au coeur de la temporalité, de laisser passer cet instant fugitif dans lequel il n'est plus que la conscience absolue d'être conscience absolue - il lui suffit de ne porter attention qu'à l'état intermédiaire de l'acte cognitif dans lequel il s'appréhende lui-même comme un sujet saisissant un objet conceptuel distinct de lui, et de se laisser emporter, instant après instant, dans le flot des concepts, sans jamais prendre pleine conscience de la subjectivité dont sourd et dans laquelle se résorbe constamment ce flot. En dernière instance, c'est donc de la grâce (anugraha) seule que dépend la Reconnaissance : la raison ne peut que mettre en évidence une évidence à laquelle la conscience peut toujours refuser de se rendre. De ce point de vue, le système de la Pratyabhijna a quelque chose de profondément tragique - ou de profondément comique, comme on voudra : ce ne sont là sans doute que deux aspects partiels que recouvre la notion de jeu (drita) de la conscience -, car la grâce des sivaites non dualistes n'est certes pas le bon vouloir d'un dieu lointain, mais celui de la conscience elle-même choisissant de s’apparaître aliénée, elle n'en demeure pas moins appréhendée par le sujet aliéné comme le bon vouloir d'un Autre auquel il demeure désespérément suspendu, précisément parce que le sujet empirique est la conscience s'apparaissant comme aliénée. (...)
Extrait (sans les notes) de : Le Soi et l’Autre. Identité, différence et altérité dans la philosophie de la Pratyabhijñā, Jerusalem Studies in Religion and Culture 13, Brill, Leiden, 2011, 785 pp.
Commande sur Amazon : Le Soi et l'Autre : Identite, Difference et Alterite dans la Philosophie de la Pratyabhijna.
   

lundi 24 octobre 2011

Hadewijch, Hadewych ou Hadewijk d'Anvers


Hadewijch d'Anvers (ou Hadewych) était une mystique et poétesse flamande du XIIIe siècle. Les écrits d’elle qui sont parvenus jusqu’à nous, relativement abondants, datant des environs de 1240, comprennent un Livre de visions, des poèmes strophiques et un recueil de correspondances, et font souvent voir en Hadewijch un précurseur de l’œuvre de Jan van Ruusbroec. L’on sait d’elle très peu de choses avec certitude, et l’on en est presque toujours réduit aux conjectures. Selon toute vraisemblance, elle était une béguine, peut-être originaire d’Anvers, sans doute de bonne famille, et active dans le duché de Brabant. Son mysticisme, réfractaire aux spéculations métaphysiques complexes, exempt d’intellectualisme, et s’embarrassant peu d’établir un système de degrés dans la réunion avec Dieu, est avant tout d’ordre affectif, l’expérience mystique se réalisant en effet à travers la Minne, terme polysémique désignant à la fois l’Amour envers Dieu et la charité envers le prochain, et par l’imitation du Christ. Ses poésies mystiques, teintées d’hermétisme, apparaissent par leurs thèmes et leur structure comme une transposition religieuse de la poésie courtoise romane.
Source du texte : wikipedia


Bibliographie (en français) :
- Hadewijch d'Anvers, Poèmes des Béguines, traduits du moyen-néerlandais, Seuil, 1954
- Les Lettres (1220-1240) : la perle de l'école rhéno-flamande, Sarment, 2002
- Les Visions, traduit par Georgette Epiney-Burgard, Genève, Ad Solem, 2000
- Amour est tout : poèmes strophiques, Téqui, 1984
- Écrits mystiques des Béguines, Seuil, Points Sagesse, 1994, réed. 2008.
- Le pavement de saphir, trad. André Gozier, L'Harmattan, 2010
- Lettres spirituelles. Sept degrés d'amour, Editions ad Solem, 1990
- Mengeldichten dans : Le Livres des Sagesse, sous la direction de Frédérique Lenoir, Ed. Bayard, 2004.

Etudes :
Silvana Pandiera, Les béguines, Ed. Fidelité, 2009. 
André Gozier, Hadewijch d'Anvers, béguine et mystique, le pavement de saphir, Ed. L'Harmattan, 2010.
Jacqueline Kelen, Hadewijk d'Anvers, ou la conquête de l'amour lointain, Ed. Albin Michel, 2011.
En ligne : Les Béguines avec Jacquelines Kelen (émission du 16 octobre 2011, sur France Culture, Les Racines du Ciel de Frédéric Lenoir).
Sur le blog voir aussi : Marguerite Porète


Une noble clarté brille doucement en nous
Et veut être accueillie dans le loisir fidèle.
la pure étincelle,
Vie de la vie de notre âme,
qui reste unie à la Source divine, -
où Dieu fait briller sa lumière éternelle.

Révélation au plus secret de nous-mêmes,
que ni raison ni sens ne peuvent comprendre,
sinon dans l'amour nu.
Ils sont transformés, ceux qui la reçoivent,
surnaturellement, de l'étincelle intime,
en une connaissance divine simple.

L'accident et le multiple
nous enlèvent notre simplicité.
Comme le dit saint Jean l'Evangéliste,
cette lumière luit dans les ténèbres
et sa clarté n'est point comprise
par l'obscurité.

Si nous étions venus à cette clarté devant sa face, vacants et libres
de tout mode, de toute chose
qui s'apprend, se conte ou se compose,
au sein de l'abîme sans fond
nous verrions la lumière dans sa lumière.

Rougissez d'avoir tenu si longtemps
votre âme en souci de l'accident,
au ras de terre et privée de l'essence.
Si la simplicité vous eut accoutumée à elle-même,
cachée dans sa lumière,
vous seriez franche de forme et d'images.

Vous devez être en grande erreur
de chercher au dehors la lumière en parties,
alors qu'elle est toute en vous et vous libère totalement.
Si vous voulez devenir maitre
en cette philosophie, ne vous affirmez pas :
laissez toute chose, avec vous-même.

Ah ! Dieu, quelle noblesse
Que cette libre vacuité,
où l'amour abandonne amoureusement tout le reste
et ne cherche rien hors de Lui-même,
puisque dans sa pure Unité,
il enclôt l'éternité bienheureuse.
Mengeldichten, traduction Marie-Anne Vanier dans : Le Livre des Sagesse
Commande sur Amazon : Le livre des Sagesses : L'aventure spirituelle de l'humanité






samedi 22 octobre 2011

Lévitation quantique

Fin de semaine avec quelques vidéos de lévitation quantique.






Une ébauche du skate de "Retour vers le futur " :



Pour rappel, le vrai faux Hover Board :



Une application tout à fait au point (!?) pour le petit déjeuner :




Quelques explications :


Des chercheurs de l’école de physique et d’astronomie à l’université de Tel-Aviv, ont créé une piste autour de laquelle un semi-conducteur peut flotter, grâce au phénomène de “lévitation quantique" ou verrouillage quantique.

Cet effet de lévitation est expliqué par l’ effet Meissner, qui décrit comment, quand un matériau fait la transition de son état normal à son état ​​ supraconducteur, il rejette activement les champs magnétiques à partir de son intérieur, ne laissant qu’une fine couche sur sa surface.

Quand un matériau est dans son état ​​supraconducteur, qui implique de très basses températures, il est fortement  diamagnétique. Cela signifie que lorsqu’un champ magnétique est appliqué à l’extérieur, il va créer un champ magnétique opposé, le verrouillant dans sa position. À la différence de votre Guru qui n’a pas besoin d’être gelée pour rentrer en lévitation.

Un matériau appelé  Oxyde mixte de baryum de cuivre et d’yttrium (YBCO) peut être transformé en un supraconducteur par son exposition à de l’azote liquide, ce qui en fait l’un des supraconducteurs aux températures les plus élevées.

Dans la vidéo, il semble que la rondelle d’YBCO, refroidi par l’azote liquide, repousse les aimants intégrés sur l’appareil portatif. Elle montre aussi que l’angle de l’aimant peut être verrouillé dans un champ magnétique. Plus loin dans la vidéo on peut observer cette rondelle glisser autour d’une piste circulaire d’aimants, de la même manière que les  trains à sustentation magnétique le font.
Source (et suite) du texte : Guru Med
Autre article : Le Monde


Pour aller plus loin :


En 2011, la supraconductivité fête ses cent ans. Un anniversaire à l'occasion duquel le PhysiScope et l'Université de Genève proposent une foule d'activités en lien avec ce phénomène physique. Vous trouverez dans ce dossier des informations sur l'histoire de la supraconductivité, des explications sur son fonctionnement, des expériences en vidéo ainsi que le programme complet des différentes manifestations.
Source du texte : TSR

La supraconductivité est la capacité que possèdent certains matériaux, lorsqu’ils sont suffisamment refroidis, à laisser passer un courant électrique sans aucune résistance, évitant ainsi toute perte d’énergie.
De plus, la supraconductivité se manifeste par un phénomène unique et spectaculaire: la lévitation magnétique. En effet, une fois refroidi, un supraconducteur devient imperméable aux champs magnétiques lui permettant ainsi de flotter indifféremment au-dessus ou au-dessous d’un aimant sans le quitter. Un phénomène dont les applications vont certainement un jour révolutionner nos modes de vie!

En avril 1911, le hollandais Heike Kamerlingh Onnes et son étudiant Gilles Host font la plus importante découverte de leur carrière. En étudiant la résistance électrique du mercure, ils découvrent qu’elle peut chuter brutalement lorsqu’on  abaisse sa température à un niveau proche du zéro absolu (-273°C) ! Cette découverte mystérieuse ouvre un nouveau domaine de recherche de physique. Mais ça n’est qu’en 1986 que l’Allemand Georg Johannes Bednorz et le Suisse Karl Alex Müller (du laboratoire de recherche d’IBM à Zurich, Rüschlikon) découvrent les supraconducteurs à haute température critique. Ils reçoivent pour cela le Prix Nobel un an après seulement.

Ils mettent à jour un matériau devenant supraconducteur à -238°C, alors que le précédent record, depuis 1973, était de -249.8°C pour le niobure de germanium. Ils sont suivis quelques mois plus tard par d’autres chercheurs qui annoncent des supraconducteurs dans la même famille de matériaux à -180°C. C’est une étape capitale puisque ces matériaux peuvent désormais être refroidis à l’azote liquide (-196°C), bien moins onéreux que l’hélium liquide (-269°C) utilisé jusque là.

Malgré les 100 ans de recherche déjà effectués, la supraconductivité tient encore aujourd’hui en haleine de nombreux groupes de chercheurs dont ceux du Pôle National de Recherche sur les nouveaux matériaux aux propriétés exceptionnelles (MaNEP, Université de Genève).
Source du texte : TSR

Les liens de la manifestation :  Université Genève / Manep / Le dossier de la TSR 
Et dans le cadre des Supralunch :
Jeudi 3 novembre à 12h, visite guidée au CERN des cavités accélératrices et des aimants supraconducteurs du LHC. Rendez-vous à 11h55 à la réception du bâtiment 33 du CERN.

Et pour finir un petit documentaire :


 
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