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lundi 15 avril 2013

Martin Heidegger


Martin Heidegger, né le 26 septembre 1889 à Messkirch et mort le 26 mai 1976 à Fribourg-en-Brisgau, est un philosophe allemand.
D'abord disciple d'Edmund Husserl et de la phénoménologie, il s'achemine rapidement vers la question de l'être et son étude, l'ontologie. Après ce qu'il appelle lui-même le « tournant » de sa pensée (années 1930), il s'intéresse tout particulièrement aux présocratiques, à la poésie De Hölderlin ainsi qu'à Kant et Nietzsche pour mettre en oeuvre ce qu'il a appelé lui même un nouveau commencement de pensée .
Auteur prolifique de nombreuses conférences, de livres et de cours, et notamment de deux œuvres majeures Être et Temps (Sein und Zeit) et les Beiträge zur Philosophie (Vom Ereignis) Heidegger est considéré comme l'un des philosophes les plus marquants du XXe siècle : sa démarche a notamment influencé la philosophie existentialiste, la phénoménologie ultérieure, la philosophie postmoderne, l'herméneutique allemande, ainsi que d'autres sciences humaines comme la théologie et la psychanalyse. C'est particulièrement en France que son influence a été considérable, notamment par l'intermédiaire de Jean-Paul Sartre, Jean Beaufret et d'Emmanuel Levinas.
Source (et suite) du texte : wikipedia


Bibliographie (en français) :
- Traîté des catégories et de la signification chez Duns Scot, Ed. Gallimard, 1970.
- Schelling. Le Traité de 1809 sur la liberté humaine, Ed. Gallimard, 1980.
- Le Sophiste, (1924), Ed. Gallimard, 2001
Les conférences de Cassel (1925). précédées de la Correspondance Dilthey-Husserl (1911), Ed. Vrin, 2003
- Être et Temps, (1927), Ed. Gallimard, 1964, 1986
- "Qu'est-ce que la métaphysique ?", (1929), repris in Questions I, Ed. Gallimard, 1968.
- Kant et le problème de la métaphysique, (1929), Ed. Gallimard, 1953.
- Aristote, Métaphysique 1-3, (1931), Ed. Gallimard, 1991
- De l'essence de la vérité : approche de l'allégorie de la caverne et du Théétète de Platon (1931-1932), Ed. Gallimard, 2001
- La logique comme question en quête de la pleine essence du langage, (1934), Ed. Gallimard, 2008
- Introduction à la métaphysique, (1935), Ed. Gallimard, 1967.
- L’Origine de l’œuvre d’art (1935), Ed. Authentica, 1987.
- Interprétation de la Deuxième considération intempestive de Nietzsche, (1938-1939), Ed. Gallimard, 2009
- Qu'est-ce qu'une chose ?, (1935-1936), Ed. Gallimard, 1971.
Nietzsche, (1936-1946), Ed. Gallimard, 1971.
- Concepts fondamentaux, (1941), Ed. Gallimard, 1985.
- Hegel : la négativité, éclaircissement de l'Introduction à la Phénoménologie de l'esprit de Hegel, (1938-1942), Ed. Gallimard, 2007
- Parménide, (1942-3), Ed. Gallimard, 2011.
- Approche de Hölderlin, (1944-71), Ed. Gallimard, 1962, 1973.
- La dévastation et l'attente : entretien sur le chemin de campagne, (1945), Ed. Gallimard, 2006.
- Lettre sur l'humanisme, (1947), Ed. Aubier, 1957.
- Chemins qui ne mènent nulle part, (1950), Ed. Gallimard, 1962.
- Qu'appelle-t-on penser ?, (1951), Ed. PUF, 1959.
- La question de la technique, (1953), in Essais et conférences, Ed. Gallimard, 1958.
- Acheminement vers la parole, (1953-59), Ed. Gallimard, 1976.
- Essais et conférences, (1954), Ed. Gallimard, 1958.
- Le Principe de raison, (1957), Ed. Gallimard, 1962.
- La Fin de la philosophie et la tâche de la pensée, (1964) in Kierkegaard vivant, Ed. Gallimard, 1966.
- Héraclite, (1966-1967), Ed. Gallimard, 1973.
- Séminaires de Zurich, Paris, Ed. Gallimard, 2010.
- Martin Heidegger , Ontologie Herméneutique de la factivité , Ed.Gallimard,,2012
Etudes (choix) :
Fabrice Midal, Conférence de Tokyo : Martin Heidegger et la pensée bouddhique, Ed. du Cerf, 2012.
Francois Fédier, L'humanisme en question : Pour aborder la lecture de la Lettre sur l'humanisme de Martin Heidegger, Ed. du Cerf, 2012 / Entendre Heidegger : Et autres exercices d'écoute, Ed. Le grand souffle, 2008.
En ligne :
- Etre et temps (1927), trad. Emmanuel Martineau, 1985 : PDF
- Qu'est-ce que la métaphysique (1929), trad. Roger Munier : PDF
- Lettre sur l'humanisme (1947) : scribd
- De l'origine de l'oeuvre d'art : scribd
Entendre Heidegger lire Holderlin : pileface
Fabrice Midal (Conférence vidéo) : Heidegger et la médiation : Philosophie TV / Martin Heidegger et la pensée bouddhique : Philosophie TV
François Fédier : Lettres sur l'humanisme de Martin Heidegger : Philosophie TV / Martin Heidegger, L'art et l'espace : Philosophie TV


Nous parvenons peut-être à présent à voir certaines choses avec davantage de clarté. L'ouvert qui règne dans l'essence de l'ἀλήθεια [alètheia, vérité] est difficile à saisir du regard, non seulement parce qu'il est au plus proche de nous, mais parce que seul il éclaircit et ainsi octroie toute proximité, le plus proche aussi bien que le lointain.
Mais cette difficulté à saisir l'ouvert est seulement le signe du fait que ce qui cherche ici à s’offrir à notre regard essentiel peut aussi bien être privé, par nous, de sa venue, parce qu'il nous manque encore d'être accordé à ce qui, en tant que l'être lui-même, s'est toujours déjà octroyé à nous et ainsi, en même temps, toujours à nouveau se retire, sans que nous pressentions même cet événement.
Non seulement, nous pouvons peut être maintenant méditer et retenir cette chose unique et simple, à savoir que l'ἀλήθεια est l'être qui perce du regard dans l'ouvert - l'ouvert pour le hors-retrait de tout apparaître - qu'il éclaircit lui-même et en tant que tel. Comment ce dont l'essence est telle pourrait-il n'être qu'un simple "concept" ? L'ensemble de la méditation qui précède n'avait d'autre visée que de parvenir, par une expérience pensante, à cette question et à cet étonnement.
L'ἀλήθεια est θεια est déesse. Mais elle l'est seulement pour les Grecs et, chez eux même, pour quelques-uns seulement de leurs penseurs. La vérité - pour les Grecs, une déesse au sens grec - sans doute.
Mais qu'est l'essence de la vérité pour nous ? Nous ne le savons pas, car nous ne sommes au clair ni avec l'essence de la vérité ni avec nous-même, et ne savons pas qui nous sommes. Peut-être cette double ignorance, de la vérité et de nous-mêmes, n'est-elle qu'une seule et même ignorance. Mais il est bon déjà d'avoir le savoir de cette ignorance, à l'égard de l'être lui-même, qui appelle la révérence de la pensée. La pensée n'est pas un savoir, mais plus essentielle peut-être que le savoir, car plus proche de l'être, dans cette proximité que recèle le lointain. De l'essence de la vérité, nous n'avons aucun savoir. Aussi est-il nécessaire que nous questionnions à son sujet et nous heurtions à cette question, de sorte que nous éprouvions ainsi la condition minimale qui doit être remplie, si nous nous disposons à reconnaître à l'essence de la vérité la dignité d'une question. La condition est que nous devenions nous-mêmes pensants.
La méditation que nous avons tentée conduit notre regard à prendre en vue une chose. A savoir que nous ne pouvons penser l'essence de la vérité que si nous nous avançons jusqu'au confins de l'étant en son tout. (...)
La question revient à nouveau : qu'est pour nous l'essence de la vérité ? Ce cours n'avait d'autre intention que de renvoyer au domaine à partir duquel la parole de Parménide parle.
L'indication offerte par le renvoi à ce domaine pointa en direction de ce vers quoi s'achemine le penseur initial. A savoir la demeure de la déesse ἀλήθεια. C'est seulement que le parcours proprement dit de l'expérience du penseur reçoit lui-même sa direction. La demeure de la déesse est le premier lieu d'arrivée sur le chemin de la pensée. Cette même demeure est le point de départ du parcours de la pensée, qui porte et accorde tous les rapports à l'étant. L'essence de cette demeure est de part en part déterminée par la déesse. Qu'elle l'habite est ce qui seul fait de cette demeure la demeure qu'elle est. Et dans cette habitation s'accomplit l'"essence" de la déesse  Celle-ci est la clarté qui perce du regard et vient se donner et ainsi habiter dans ce qui est privé de clarté. L'ἀλήθεια est le décèlement abritant en soi toute émergence et toute apparition et disparition. L'ἀλήθεια est l'essence du vrai : la vérité. Celle-ci règne sur tout ce qui déploie son être et est l'essence même de toute "essence" : l'essentialité.
En faire l'épreuve est la destination du penseur qui pense de façon initiale. Sa pensée, dans l'essentialité, sait l'essence de la vérité (non seulement l’essence du vrai), en tant que vérité de l'essence.
En tant qu'essence de l'émergence, l'ἀλήθεια est le commencement lui-même. Le voyage vers la demeure de la déesse est la pensée qui se dirige vers le commencement. (...)
Extrait de : Parménide (deuxième partie, § 9 - 1942-3).
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Voir aussi la page : Proème du Poème


Ben, rien de rien

L'élaboration de la question portant sur le rien doit nous mettre dans la situation à partir de laquelle la réponse à lui donner devient possible ou, au contraire, se déclare l'impossibilité de la réponse. Le rien est concédé. La science, avec une indifférence supérieure à son endroit, le relègue comme ce qu'« il n'y a pas ».
Nous tenterons pourtant de questionner sur le rien. Qu'est-ce que le rien ? La première approche de cette question a déjà quelque chose d'insolite. En questionnant ainsi, nous posons au préalable le rien comme quelque chose qui, de quelque manière, « est » - comme un étant. Or c'est justement de quoi il diffère du tout au tout. Questionner sur le rien - ce qu'il est et comment il est, le rien - inverse en son contraire ce sur quoi l'on questionne. La question s'ôte à elle-même son propre objet.
En foi de quoi, toute réponse à cette question est, dès le départ, impossible. Car elle s'articule nécessairement en cette forme : le rien « est » ceci et cela. Question et réponse sont, au regard du rien, en elles-mêmes pareillement à contresens. Ainsi, nul besoin même du refus opposé par la science. La règle fondamentale et communément reçue de la pensée en général, le principe de contradiction à éviter, la « logique » universelle, réduisent cette question à néant. Car la pensée, qui est toujours essentiellement pensée de quelque chose, devrait, comme pensée du rien, contrevenir à sa propre essence.
Comme il nous est donc interdit de faire du rien en général un objet, nous sommes déjà au bout de notre interrogation sur le rien - à supposer que, dans cette question, la « logique » soit plus haute instance, l'entendement (le moyen) et la pensée (le chemin), pour saisir originellement le rien et décider de son possible dévoilement.
Mais serait-il permis de toucher à la souveraineté de la « logique » ? Se pourrait-il que l'entendement ne soit pas, dans cette question portant sur le rien, réellement souverain ? Avec son aide, nous ne pouvons guère, d'une façon générale, que déterminer le rien et le poser tout au plus comme un problème qui se détruit lui-même. Car le rien est la négation de la totalité de l'étant, l'absolument non-étant… Mais parlant ainsi, nous rangeons le rien sous la détermination plus haute de ce qui est soumis à négation et, par là, de ce qui est nié. Or la négation est, selon la doctrine régnante et jamais contestée de la « logique », un acte spécifique de l'entendement. Comment, dès lors, pouvons-nous prétendre, dans la question portant sur le rien et même dans celle de savoir s'il peut être questionné, congédier l'entendement ? Pourtant, ce que nous présupposons là est-il si assuré ? Le ne-pas, l'être-nié et ainsi la négation représentent-ils la détermination plus haute sous laquelle le rien, comme une espèce particulière de ce qui est nié, vient se ranger ? N'y a-t-il le rien que parce qu'il y a le ne-pas, c'est-à-dire la négation ? Ou est-ce l'inverse ? N'y a-t-il la négation et le ne-pas que parce qu'il y a le rien ? C'est ce qui n'est pas décidé, n'est pas même encore érigé expressément en question. Nous affirmons : le rien est plus originel que le ne-pas et la négation.
Si cette thèse est fondée, alors la possibilité de la négation comme acte de l'entendement, et par-là l'entendement lui-même, dépendent en quelque façon du rien. Comment l'entendement pourrait-il donc prétendre décider de celui-ci ? L'apparent contresens des question et réponse concernant le rien ne repose-t-il finalement que sur un entêtement aveugle de l'entendement pris de vertige ?
Mais si nous ne nous laissons pas démonter par l'impossibilité formelle de la question portant sur le rien et posons néanmoins, à son encontre, la question, il nous faut au moins satisfaire à ce qui demeure comme exigence fondamentale pour la possible conduite jusqu'à son terme de toute question. Si le rien, quoi qu'il en soit de lui, doit être soumis à question — le rien lui-même — il faut d'abord qu'il soit donné. Il faut que nous puissions le rencontrer.
Où chercherons-nous le rien ? Comment trouverons-nous le rien ? Ne devons-nous pas, pour trouver quelque chose, d'une façon générale déjà savoir que ce quelque chose est là ? En effet. L'homme n'est d'abord et le plus souvent en état de chercher que s'il a anticipé la mise à disposition de ce qui est cherché. Or ici, c'est le rien qui est cherché. Y a-t-il finalement, une recherche sans cette anticipation, une recherche qui revienne à purement trouver ? Quoi qu'il en puisse être, nous connaissons le rien, même si ce n'est que comme ce dont quotidiennement nous parlons sans y prendre garde. Ce rien vulgaire, rendu comme incolore sous la pâle évidence de ce qui va de soi, qui rôde ainsi, inaperçu, dans nos propos vides, nous pouvons même, sans hésiter, le ranger sous une « définition » : Le rien est la négation intégrale de la totalité de l'étant. Cette caractéristique du rien ne pointerait-elle pas, finalement, dans la direction à partir de laquelle seule il peut nous rencontrer ?
La totalité de l'étant doit d'abord être donnée pour pouvoir, comme telle absolument, tomber sous le coup de la négation, en laquelle le rien lui-même aurait alors à se montrer.
Seulement, même si l'on fait abstraction de la nature problématique du rapport entre la négation et le rien, comment pourrons-nous - comme être finis - rendre accessible en soi en même temps qu'à nous-mêmes l'ensemble de l'étant dans sa totalité ? Tout au plus pouvons-nous imaginer l'ensemble de l'étant dans l'« idée », nier en pensée cet imaginaire et le « penser » comme nié. Sur cette voie, nous atteignons sans doute le concept formel du rien imaginé, mais jamais le rien lui-même. Or le rien n'est rien et entre le rien imaginé et le rien « en propre », il ne peut y avoir de différence, s'il est vrai que le rien représente la totale indifférenciation. Le rien lui-même « en propre » - ne serait-ce pas toutefois de nouveau ce concept masqué mais à contresens, d'un rien étant ? C'est la dernière fois que les objections de l'entendement arrêteront notre recherche, dont la légitimité ne peut être établie que par une épreuve fondamentale du rien.
Extrait de : Qu'est-ce que la métaphysique (1929), épuisé
Source du texte : pileface


Vincent Van Gogh, Souliers (1886)

D’après la toile de Van Gogh, nous ne pouvons même pas établir où se trouvent ces souliers. Autour de
cette paire de souliers de paysan, il n’y a rigoureusement rien où ils puissent prendre place : rien qu’un espace vague. Même pas une motte de terre provenant du champ ou du sentier, ce qui pourrait au moins indiquer leur usage. Une paire de souliers de paysan, et rien de plus. Et pourtant...
Dans l’obscure intimité du creux de la chaussure est inscrite la fatigue des pas du labeur. Dans la rude et solide pesanteur du soulier est affermie la lente et opiniâtre foulée à travers champs, le long des sillons toujours semblables, s’étendant au loin sous la bise. Le cuir est marqué par la terre grasse et humide. Par-dessous les semelles s’étend la solitude du chemin de campagne qui se perd dans le soir. A travers ces chaussures passe l’appel silencieux de la terre, son don tacite du grain mûrissant, son secret refus d’elle-même dans l’aride jachère du champ hivernal. A travers ce produit repasse la muette inquiétude pour la sûreté du pain, la joie silencieuse de survivre à nouveau au besoin, l’angoisse de la naissance imminente, le frémissement sous la mort qui menace. Ce produit appartient à la terre, et il est à l’abri dans le monde de la paysanne. Au sein de cette appartenance protégée, le produit repose en lui-même.
Tout cela, peut-être que nous ne le lisons que sur les souliers du tableau. La paysanne, par contre, porte
tout simplement les souliers. Mais ce « tout simplement est-il si simple ? (...)
Que se passe-t-il ici ? Qu’est-ce qui est à l’œuvre dans l’œuvre ? La toile de Van Gogh est l’ouverture de ce que le produit, la paire de souliers de paysan, est en vérité. Cet étant fait apparition dans l’éclosion de son être. L’éclosion de l’étant, les Grecs la nommaient ἀλήθεια. Nous autres, nous disons vérité, en ne pensant surtout pas trop ce mot. Dans l’œuvre, s’il y advient une ouverture de l’étant (concernant ce qu’il est et comment il est), c’est l’avènement de la vérité qui est à l’œuvre. Dans l’œuvre d’art, la vérité de l’étant s’est mise en oeuvre. « Mettre » signifie ici instituer. Un étant, une paire de souliers de paysan vient dans l’œuvre à l’instance dans le clair de son être. L’être de l’étant vient à la constance de son rayonnement. L’essence de l’art serait donc : le se mettre en œuvre de la vérité de l’étant.
Extrait de : L’Origine de l’œuvre d’art (1935), épuisé.
Source du texte : burmat



Comprendre avec Martin Heidegger (interview par la TV allemande).
"L'idée qui est au fondement de ma pensée est précisément que l'Etre, ou le pouvoir de manifestation de l'Etre, a besoin de l'homme, et que, inversement  l'homme n'est homme que dans la mesure ou il est une manifestation de l'Etre".



Suite : 2 / 3, / 4 / 5 / 6 / 7



"Une Vie, Une Oeuvre" du 10 déc. 2006 - Martin Heidegger (1889 - 1976), pensée du divin et poésie par Fabrice Midal



L'essai et la revue du jour par Jacques Munier, Martin Heidegger et la pensée bouddhique
Commande sur Amazon : Conférence de Tokyo : Martin Heidegger et la pensée bouddhique



Radio Libre "La pensée de Martin Heidegger aujourd'hui" par François Noudelmann
Enregistré le 23 novembre 2002 à la BNF







Les Nouveaux chemins de la connaissance par Raphael Enthoven (05.2011.)
Etre et temps 1/5 Dasein, authenticité, déchéance,
2/ 5 : L'être pour la mort
3/5 : La temporalité
4/ 5 : Le souci et le care
5/5 : La vérité comme dévoilement



Les Nouveaux chemins de la connaissance par Raphael Enthoven,
Préhistoire de la pensée 5/5 : Heidegger, une lecture moderne des présocratiques (12.11.2010.)



Les philosophes amoureux par Raphael Enthoven
Heidegger et Hannah Arendt (04.08.2012.)



Les Nouveaux chemins de la connaissance par Adèle Van Reeth (22.11.2011.)
L'inquiétante étrangeté de l'ordinaire 2/4 : Jeau-Paul Sartre et Martin Heidegger



Les Nouveaux chemins de la connaissance par Adèle Van Reeth (15.04.2013.)
Objets trouvés 1/4 : Qu'est-ce qu'une chose ? De Martin Heidegger



La Nuit rêvée de Barbarin Cassin (29.04.2012.)
141:10 Hommage à Martin Heidegger, pour ses 75 ans par René Farabet



Etre et temps, trad. Emmanuel Martineau

mardi 13 novembre 2012

Le Cogito de Jourdain

Le penseur de Rodin


Visser cet écrou-là, et peut-être ne pas mourir...
JE ME SAIS.
Je réfléchis : JE ME SAIS réfléchissant. Je me dis : "tiens..." : JE ME SAIS me disant "tiens...". J'ai une idée ! : JE ME SAIS ayant une idée. Je sens, ressens : JE ME SAIS sentant, ressentant. Je jouis : JE ME SAIS  jouissant. Je recherche la conscience de moi-même : JE ME SAIS recherchant la conscience de moi-même.
Je ne veux à aucun prix être conscience : JE ME SAIS  ne voulant à aucun prix être conscient.
J'abandonne la piste de la conscience : JE ME SAIS abandonnant la piste de la conscience.
Il n'est rien de ce que nous faisons et vivons qui ne soit devancé par JE ME SAIS. Ce constat intellectuel lui-même, si juste et important soit-il, s'adosse à JE ME SAIS, ce qui ne relativise pas nécessairement sa justesse et son importance mais, sûrement, son existence ! Mais que resterait-il de cette remarque si JE NE ME SAVAIS la faisant ?
"Je me sens pris de vertige !" Soit. Mais, de ce saint vertige que resterait-il si JE NE ME SAVAIS l'éprouvant ?
Il n'y a absolument rien à déduire de ce fait premier de l'existence, que toute mon existence est devancée, par JE ME SAIS, - et pas même cela.
Il n'y a ni issue logique ni impasse logique.
"Alors, bon Dieu, qu'est-ce que je puis faire ?" ME SAVOIR poussant cette exclamation.
La seule relation que je puisse établir avec la conscience, c'est de la pratiquer, de l'assumer, de l'être.

On pourrait dire aussi, mais de manière plus lointaine et imparfaite, que la conscience est le miracle par lequel mon être intérieur s’apparaît à lui-même. Ou encore, évoquer la conscience comme la transparence à elle-même de ma propre présence.
Tout ce que je pourrais ajouter va m’apparaître comme de la sauce inutile, aussi j'arrête là.
Tout de même, je désire ajouter ceci : la conscience apparaît bien comme la vrille logique jusqu'à atteindre l'être et à le faire être.
Stephen Jourdain, Le Grand plongeon, Conférences à la Sorbonne, Ed. Le Mercure Dauphinois, 2000. (extrait du chap. 5).
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* * *

Cette expérience cruciale, je  l’ai faite à brûle-pourpoint quand j’avais seize ans.

C’était le soir, j’étais dans ma chambre, allongé dans l’obscurité, et je tournais et retournais dans ma tête depuis un long moment, probablement depuis une demi-heure, la petite phrase du Cogito de Descartes : « Je pense, donc je suis ». Il m’avait semblé, dans les jours précédents, entrevoir une prodigieuse vérité dans cette petite phrase, et j’essayais de retrouver cette vérité entrevue dans un éclair. Je réfléchissais depuis très longtemps, en me répétant inlassablement : « je pense, donc je suis », et en faisant chaque fois le voyage depuis la réalité vivante qui en moi-même correspondait à « je  pense » et « je suis » jusqu’à ces mots, pour les charger, dans la petite phrase, de leur vrai sens. En m’efforçant de penser le Cogito avec ma vie. C’était un travail très difficile, j’étais épuisé, le déclic qui m’aurait révélé la signification mystérieuse et prodigieuse de la phrase ne se produisait pas, mais, à un certain moment, un autre déclic, que je n’attendais pas, dont je ne soupçonnais pas l’existence, a dû jouer, et, en une fraction de seconde, sans que j’aie l’impression d’une césure, dans la foulée, je me suis trouvé dans un arrière-plan impossible et tout à fait inconcevable de ce « je » qui pensait. L’entrée dans cet arrière-plan est l’expérience autour de laquelle gravite Cette Vie m’aime. (...)

Je pense qu’en effet il peut très bien exister une parenté entre ce que Descartes touchait dans le Cogito et mon expérience. Il est certain que le Cogito est plus qu’une évidence intellectuelle, c’est une percée. Tout de même, je puis affirmer que l’expérience qui se cache derrière cette phrase n’est pas la mienne. Ne serait-ce que parce que celui qui a vécu mon expérience ne peut plus sérieusement faire œuvre de philosophe, et cela, bien qu’il estime détenir avec cette conscience l’unique point de départ possible de la pensée philosophique (!), et la seule chance de cette pensée. (...)
Source (et suite) du texte : 3e Millénaire

* * *

MAJ de la page Stephen Jourdain avec un dialogue entre Stéphane Jourdain, Denise Desjardins (femme de Arnaud Desjardins) et Giles Farcet :




Nouvelle publication : Le Miracle d'être, entretiens avec Charles Antoni, Ed. Charles Antoni, L'Originel, 2012.

vendredi 21 octobre 2011

Exode 3,14




Moïse faisait paître le troupeau de Jéthro, son beau-père, sacrificateur de Madian; et il mena le troupeau derrière le désert, et vint à la montagne de Dieu, à Horeb.
L’ange de l’Éternel lui apparut dans une flamme de feu, au milieu d’un buisson. Moïse regarda; et voici, le buisson était tout en feu, et le buisson ne se consumait point.
Moïse dit : Je veux me détourner pour voir quelle est cette grande vision, et pourquoi le buisson ne se consume point.
L’Éternel vit qu’il se détournait pour voir; et Dieu l’appela du milieu du buisson, et dit : Moïse ! Moïse ! Et il répondit : Me voici !
Dieu dit : N’approche pas d’ici, ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte.
Et il ajouta : Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Moïse se cacha le visage, car il craignait de regarder Dieu.
L’Éternel dit : J’ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu les cris que lui font pousser ses oppresseurs, car je connais ses douleurs.
Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens, et pour le faire monter de ce pays dans un bon et vaste pays, dans un pays où coulent le lait et le miel, dans les lieux qu’habitent les Cananéens, les Héthiens, les Amoréens, les Phéréziens, les Héviens et les Jébusiens.
Voici, les cris d’Israël sont venus jusqu’à moi, et j’ai vu l’oppression que leur font souffrir les Égyptiens.
Maintenant, va, je t’enverrai auprès de Pharaon, et tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les enfants d’Israël.
Moïse dit à Dieu : Qui suis-je, pour aller vers Pharaon, et pour faire sortir d’Égypte les enfants d’Israël ?
Dieu dit : Je serai avec toi ; et ceci sera pour toi le signe que c’est moi qui t’envoie : quand tu auras fait sortir d’Égypte le peuple, vous servirez Dieu sur cette montagne.
Moïse dit à Dieu : J’irai donc vers les enfants d’Israël, et je leur dirai : Le Dieu de vos pères m’envoie vers vous. Mais, s’ils me demandent quel est son nom, que leur répondrai-je ?
Dieu dit à Moïse : Je suis celui qui suis. Et il ajouta : C’est ainsi que tu répondras aux enfants d’Israël : Celui qui s’appelle ’Je suis’ m’a envoyé vers vous.
Extrait de Exode, chap. 3, trad. Louis Segond
Source du texte : wikisource
Autre traduction wikisource : Crampon / De Sacy / Darby
A consulter sur wikipedia : Exode / YHWH / Moise


Bibliographie :
 - Exode, dans Bible, Ancien Testament, Tome 1, Ed. Gallimard, La Pleiade, 1959 / Ou autres traductions.
Etudes :
Collectif, Celui qui est, interprétations juives et chrétiennes d'Exode 3,14. Edité par Alain de Libéra et Emilie Zum Brunn, avec le concours du CNRS, Ed. du Cerf, 1986. (ouvrage épuisé).




 (...)
   De fait, quand Dieu dit : Sum qui sum, il faut comprendre que le sujet lui-même, le premier sum, est, c'est-à-dire n'est autre que le prédicat lui même, le second sum :
   Cum ergo dicit : "Sum qui sum", docet ipsum subiectum sum esse ipsum praedicatum sum secondum positum. 

   En d'autres mots : l'énoncé divin note l'indiscernabilité ou l'identité du sujet de la désignation elle-même, de l'essence et de l'être, de la quiddité et de l'anité. Ceci revient alors à affirmer que le signifié du Nom de l'Exode est l'autosuffisance de l'essence divine ou, réciproquement, que l'essence de Dieu est cette suffisance même. (...)

   Ce retournement spéculatif de la formule de l'onto-théologie sera, on l'a déjà dit, repris dans les Prologues sous la forme Esse est Deus. Il faut cependant noter que dès In Exodum l'essentiel de la métaphysique eckhartienne est acquis : Dieu est l'Etre lui-même, l'Etre est Dieu lui-même, Lui-même est "Qui est" (Ipse est "Qui est").
   C'est Lui-même, que les Sermons allemands appelleront "Je", qui est ici appelé l'"Etre" :

   Dieu est l'être lui-même et l'essence de lui-même est l'être lui-même. Lui-même est ce qui est et celui qui est, Exode 3 : "Je suis qui suis", "Qui est m'a envoyé." "Par lui-même et en lui-même" est tout ce qui est, (Lui qui est) la suffisance elle-même, en qui et pour qui et par qui il suffit à tout.
Deus est ipsum esse et essentia ipsius est ipsum esse. Ipse est id quod est et is qui est, Exodi 3 : "Sum qui sum", "Qui est misit me". "Per ipsum et in ipso" est omne quod est, ipsa sufficientia, in quo et per quem et a quo sufficit omnibus. 

   L'ipséité de l'Etre est un solipsisme, car il n'y a d'autre possibilité d'être que d'être Lui. En dehors de Lui, il n'y a rien : Extra ipsum nihil. N'être rien c'est être sans Lui. La vie de l'être est en Lui qui est l'être lui-même, car il est lui-même et toutes choses, dans la mesure où elles trouvent en Lui la suffisance, c'est-à-dire l'être lui-même.
   Etre c'est donc être Dieu en Dieu, c'est être l'Ipse même de l'Etre.
   Eckhart accomplit ainsi le mouvement d'exégèse esquissé chez Ulrich de Strasbourg par l'inscription de l'Un (quia unus est) dans l'Etre (quia est) divin. Cette synthèse entre le néoplatonisme d'Augustin et celui de Denys est particulièrement évidente quand il reprend les passages augustiniens du De consideratione de saint Bernard :

   Qu'est-ce que Dieu ? (Celui) sans lequel rien n'est. Il est autant impossible que quelque chose soit sans lui que lui sans lui-même; il est (l'être) de lui-même et de toutes choses et ainsi, en quelque façon, lui seul est, qui est son propre être et l'être de toutes choses. 

(...)
Extrait de : Alain de Libéra, L'Etre et le Bien : Exode 3, 14 dans la théologie Rhénane, chap. II Ipséité de l'Etre et solipsisme ontologique chez Maitre Eckhart. Article paru dans :
Collectif, Celui qui est, interprétations juives et chrétiennes d'Exode 3,14. Edité par Alain de Libéra et Emilie Zum Brunn, avec le concours du CNRS, Ed. du Cerf, 1986. (ouvrage épuisé)
 


lundi 20 décembre 2010

Nicolas de Cues ou Nicolas Krebs



Nicolas Krebs (1401 - 11 août 1464), plus communément appelé Nicolas de Cues, est un penseur allemand de la fin du Moyen Âge. Il est également connu sous les noms de Nicolas Chrypffs, Nicolas de Cusa ou encore Nicole de Cuse en raison de son lieu de naissance (Cues sur la Moselle).
Il fut évêque, puis cardinal et ami du pape Pie II. Il a écrit une cosmologie (de nature essentiellement métaphysique) dont l'impact, quoique tardif, sera d'une grande importance, puisque Descartes le cite  deux siècles plus tard comme un des précurseurs de la pensée scientifique moderne par son originalité.

Nicolas Chrypffs est né à Cues en 1401. Encore jeune, il s'enfuit de chez lui pour échapper aux mauvais traitements de son père. Il fut élevé à Deventer, chez les frères de la vie commune. Il étudia ensuite la philosophie, la jurisprudence et les mathématiques à Padoue. Il fut d'abord avocat, puis ecclésiastique, et prit part aux négociations de la Réforme. Il est envoyé en 1437 porter une invitation du Pape Eugène IV à l'Empereur Romain d'Orient Jean VIII Paléologue à Constantinople alors menacée par les ottomans. Il fut nommé évêque de Brixen et s'opposa à l'archiduc Sigismond d'Autriche. Nicolas V le fit cardinal et l'envoya en Allemagne. Le pape Pie II le nomma vicaire général de Rome. Son énergie à réformer les mœurs du clergé et sa lutte contre la superstition rencontrèrent une vive opposition. Il mourut en 1464 à Todi.
Source du texte : wikipedia 
Autre bio et liste des oeuvres originales :  JM Nicole

Bibliographie (en français) :
- De la Docte ignorance ; introduction, traduction et notes de Hervé Pasqua, Paris, Bibliothèque Rivages, 2008.
- Lettres aux moines de Tegernsee sur la docte ignorance. Du jeu de la boule. tr. Maurice de Gandillac. Paris : O.E.I.L., 1985. (Sagesse chrétienne).
- Le tableau ou La vision de Dieu ; tr. Agnès Minazzoli. Paris : Cerf, 1986. (La nuit surveillée).
- Trois traités sur la docte ignorance et la coïncidence des opposés ; tr. Francis Bertin. Paris : Cerf, 1991. (Sagesses chrétiennes).
- Concordance catholique ; intr. de Jacques Doyon et Joseph Tchao, tr. Roland Galibois et Maurice de Gandillac. Sherbrooke : Université de Sherbrooke ; Paris : J. Vrin, 1977
- La paix de la foi suivie de la Lettre à Jean de Ségovie  ; introduction, traduction et notes de Hervé Pasqua, Téqui, Paris septembre 2008.
- Sermons eckhartiens et dionysiens ; tr. Francis Bertin. Paris : Cerf, 1998. (Sagesses chrétiennes).
- Du Non-Autre. Le guide du penseur ; tr. Hervé Pasqua. Paris : Cerf, 2002. (Sagesses chrétiennes).
Trialogus de Possest ; tr. P. Caye, D. Larre, P. Maganrd, F. Vengeon. Paris : J. Vrin, 2006.
- la filiation de Dieu, éd. Arfuyen; tr. Jean Devriendt, Intro. M-A. Vannier.
- Les Ecrits mathématiques ; tr. Jean-Marie Nicolle. Paris : Champion, 2007
- Trialogus De Possest, Texte latin, traduction et notes par P. Caye, D. Larre, P. Magnard, F. Vengeon, Paris, Vrin, 2006.
- Ecrits mathématiques, Présentation, texte latin, traduction et notes par Jean-Marie Nicolle, Paris, éd. Honoré Champion, 2007.
- La filiation de Dieu, trad. Jean Devriendt, préface Marie-Anne Vannier, Paris-Orbey, éd. Arfuyen, 2009.
- La Sagesse selon l'idiot, traduction française du De Idiota (Livres I et II) par Françoise Coursaget, introduction et commentaires par Roger Bruyeron, Paris, Hermann, 2009
- Le traité du béryl, Tome 1, Texte, traduction et notes de Maude Corrieras, Paris, éditions Ipagine, 2010

- Le Coran Tamisé, Ed. du Cerf, 2011.
 En ligne :
De la docte ignorance, (trad. approximative), 1930 : Fichier word 


Seigneur, voir, pour toi, c'est aimer et de même que ton regard se pose avec attention sur moi sans jamais se détourner de moi, de même ton amour. Et puisque ton amour est toujours avec moi et que ton amour, Seigneur, n'est autre que toi-même qui m'aimes, alors tu es toujours avec moi, Seigneur. Tu ne m'abandonnes pas. De tous côtés tu me protèges, toi qui as de moi le soin le plus vigilant. Seigneur, ton être n'abandonne pas mon être. Tant que je suis, tu es avec moi. Et comme voir, pour toi, c'est être, alors je suis parce que tu me regardes.
Extrait de : Le Tableau ou La vision de Dieu (chap. IV, La vision de Dieu est appelée providence, grâce et vie éternelle).

Je déclare donc que, s'il y avait une ligne infinie, elle serait une droite, un triangle, un cercle, une sphère. Et, de même, s'il y avait une sphère infinie, elle serait un cercle, un triangle et une ligne. Et il faut dire la même chose du triangle infini et du cercle infini.
Premièrement il est évident qu'une ligne infinie est une droite. Le diamètre d'un cercle est une ligne droite, et la circonférence est une ligne courbe plus grande que le diamètre. Si donc la ligne courbe est d'autant moins courbe que la circonférence est celle d'un cercle plus grand, alors la circonférence du cercle maximum, qui ne peut être plus grande, est courbe au minimum et droite au maximum. Ainsi, le maximum coincide avec le minimum, et l'oeil voit qu'il est nécessaire dans ces conditions que la ligne maximal soit courbe au minimum et droite au maximum.
Extrait de : De la Docte Ignorance (chap. XIII Les propriétés de la ligne maximale et infinie).

Mais dans la région de l'intellect, qui voit que le nombre est enveloppé dans la monade, la ligne dans le point et le cercle dans le centre, on saisit dans une vision mentale sans processus discursif la coincidence de l'unité et de la multiplicité, du point avec la ligne, du centre avec le cercle, comme tu as pu le constater dans les livres des Conjectures, où j'ai démontré que Dieu est au-delà même de la coincidence des contradictoires, puisque d'après Denys il est l'Opposition des Opposés.
Extrait de : Apologie de la Docte Ignorance.

Platon quant à lui, qui discerna un Etre unique, une puissance ontologique unique, un ciel unique, une terre unique en décelant en eux tous l'Un pour ainsi dire à l'état passif, contract et modifié, détecta l'Un en soi et absolu en séparant et en retranchant tout de l'Un. Et lorsqu'on le contemple de cette manière, l'Un n'est plus alors ni être ni non être, ni n'existe ni ne subsiste, il n'est plus subsistant ni auto-subsistant, ni Principe ni même Un. bien plus, la formulation : "L'Un est Un" ne serait pas exacte, puisque cette copule "est" ne peut convenir à l'Un, pas plus que dire sans copule "l'Un Un" ne serait une formulation exacte, parce que toute formulation - laquelle n'est jamais formulable sans altérité ou dualité - disconvient à l'Un. Par conséquent si tu observes bien, alors le Principe de tous les étants nommables est innommable, puisqu'il ne peut être aucun des étants principiés. Et c'est pourquoi il ne peut pas non plus être qualifié de Principe, mais il est bien plutôt le Principe innommable du Principe nommable, précédant tout ce qui est nommable à quelque titre que ce soit. De même tu comprendras maintenant mieux qu'on doit nier de lui les contradictoires en sorte qu'il n'est plus être ni non-être, ni copulativement être et non-être, ni disjonctivement être ou non-être. Mais toutes ces formulations restent en deça du Principe, qui précède tout ce qui est énonçable.
Extrait de : Le Principe


mardi 14 décembre 2010

Marguerite Porete ou Porrete



Mystique française (vers 1250-1310) née dans le Hainaut, dans le diocèse de Cambrai. Sa démarche s'inscrit dans le mouvement des béguines et sa parenté spirituelle avec Hadewijch d'Anvers et Béatrice de Nazareth est manifeste. Le miroir des âmes simples et anéanties, (vers 1290) est un chef-d'œuvre de la première littérature mystique de langue française dont la richesse spirituelle place son auteure dans la lignée de saint Bernard et Maître Eckhart. Le Miroir est condamné par l 'évêque de Cambrai, qui le fera brûler publiquement à Valencienne en 1300. Traduite devant le tribunal de l'Inquisition, Marguerite est excommuniée et brûlée vive le 1er Juin 1310 sur la place de Grève à Paris.
Source du texte : Spiritualité 2000
Autre bio : Wikipedia


Bibliographie : 
- Le miroir des âmes simples anéanties. Ed. Albin Michel, coll. Spiritualité vivante, 1997.



Des sept états de l'âme dévote, que l'on appelle aussi êtres. 


Le quatrième état, c'est que l'âme soit absorbée par élévation d'amour en délices de pensée grâce à la méditation, et qu'elle soit détachée de tous les travaux du dehors et de l'obéissance à autrui grâce à l'élévation de la contemplation; cela rend l'âme si fragile, si noble et si délicieuse, qu'elle ne peut supporter que rien la touche, sinon l'attouchement du pur délice d'Amour dont elle jouit avec une grâce singulière. (...)

Le cinquième état, c'est que l'âme considère que Dieu est, lui qui est et dont toute chose tient d'être, et qu'elle-même n'est pas et n'est donc pas ce dont toute chose tient d'être. Et ces deux considérations lui donnent un étonnement émerveillé : elle voit qu'il est toute bonté, celui qui a mis une volonté libre en elle qui n'est pas, sinon comme entière malice. (...)

Le sixième état, c'est que l'âme ne se voie point elle-même, quelque abîme d'humilité qu'elle ait en elle, ni ne voie Dieu, quelque bonté très haute qui soit la sienne. Mais Dieu se voit alors en elle, par sa majesté divine qui illumine cette âme de lui-même, si bien qu'elle ne voit rien qui puisse être hors de Dieu même, lui qui est et dont toute chose tient d'être.
Ce qui est, c'est Dieu même, et pour autant, elle ne voit rien qu'elle-même, car qui voit ce qui est, ne voit que Dieu même se voyant en cette âme même par sa majesté divine. Alors l'âme est au sixième état, affranchie de toute chose, pure et illuminée — mais non glorifiée, car la glorification est au septième état ; nous le posséderons dans la gloire et nul ne peut en parler. Cependant, cette âme ainsi pure et éclairée ne voit ni Dieu ni elle-même, mais Dieu se voit par lui-même en elle, pour elle, sans elle. Et Dieu lui montre qu'il n'y a rien qui puisse être hors de lui. C'est pourquoi elle ne connaît que lui, si bien qu'elle n'aime que lui et ne loue que lui, car il n'y a rien qui puisse être hors de lui.
En effet, ce qui est, est par sa bonté ; et Dieu aime sa bonté, quelque part qu'il en ait donnée par bonté; et sa bonté donnée, c'est Dieu même, et Dieu ne peut se retirer de sa bonté sans qu'elle lui demeure; c'est pourquoi ce qui est, est bonté, et la bonté est ce que Dieu est. Et pour autant, la Bonté se voit par sa bonté dans la lumière divine du sixième état où l'âme est illuminée. Ainsi n'y a-t-il rien qui soit hors de celui qui est et qui se voit en cet être par sa majesté divine, dans la transforma tion d'amour de la bonté répandue et remise en lui. Et pour autant, il se voit par lui-même en cette créature sans rien lui donner en propre : tout lui est propre et est lui-même en propre. Tel est le sixième état que nous avions promis de dire aux auditeurs dès qu'Amour eut lancé son emprise ; et Amour a de lui-même payé cette dette dans sa haute noblesse.


Quant au septième état, Amour le garde en lui pour nous le donner en gloire éternelle : nous n'en aurons pas connaissance jusqu'à ce que notre âme ait laissé notre corps.
Extrait de : Le miroir des âmes simples anéanties

Pour lire les états 1-4 : Spiritualité 2000
Etats 5-7 : Spiritualité 2000




jeudi 2 décembre 2010

Abd El-Kader




Abd el-Kader ben Muhieddine (arabe : عبد القادر بن محي الدين), plus connu sous le nom de l'Émir Abdelkader, né le 6 septembre 1808 près de Mascara, Algérie, décédé le 26 mai 1883 à Damas, Syrie, est un homme politique, chef militaire et ifrenide qui résista quinze ans (1832-1847) au corps expéditionnaire des Troupes d'Afrique lors de sa conquête de l'Algérie et fut également écrivain, poète, philosophe et théologien soufi. Il est considéré, en Algérie, comme étant à l'origine de la nation algérienne et le symbole de la résistance algérienne contre le colonialisme et l'oppression française; en Europe, il était considéré comme l'« Ami des Français ».
Il était Grand-croix de la Légion d'honneur et titulaire de l'Ordre de Pie IX.
Source du texte : wikipedia


Bibliographie (en français) : 
- Poèmes métaphysiques. Ed. de l'Oeuvre, 1983.
- Livre des haltes, Éd. Dervy, 2008
Larges extraits : Google book
- Écrits spirituels, textes traduits et commentés par Michel Chodkiewicz, Paris, Le Seuil, 1982.
- Lettre aux français, Paris, Éd. Phébus, 1977.
- Le livre d'Abd El Kader. 1858. Ed. Kessinger Publishing, 2010.
Ahmed Bouyerdene, Abd el-Kader, l'harmonie des contraires, Seuil, 2008. 
Bruno Étienne, Abd el-Kader, Paris, Hachette, 1994.
Bruno Étienne, Abd el-Kader : isthme des isthmes, Paris, Hachette Littératures, 2004.
Alexandre Bellemare, Abd el-Kader : sa vie politique et militaire, Paris, Hachette, 1863.
Collectif, L'émir Abd el-Kader : L'épopée de la sagesse, Éditions Zaki Bouzid, 2007.


II. De l'Unicité de l'être.
15. De l'identité suprême. 
Dieu (al-Haqq : la Réalité suprême) - qu'Il soit exalté ! - m'a dit : "Sais-tu qui tu es ?" Je répondis : "Oui, je suis le néant manifesté par Ta manifestation; je suis la ténèbre qu'illumine Ta lumière."
Il me dit alors : "Puisque tu sais, persévère fermement et garde-toi de revendiquer ce qui ne t'appartient pas : car le dépôt doit être remis à son propriétaire, et l'emprunt restitué. Le nom d'"être contingent" t'appartient depuis toujours et pour toujours."
Il me dit encore : "Sais-tu qui tu es ?" Je répondis : "Oui. Je suis réellement Dieu (al-Haqq). Mais, métaphoriquement et sous le rapport de la Voie, je suis créature. Je suis l'être contingent quant à ma forme, mais je ne peux pas ne pas être l'Etre nécessaire. C'est le nom divin al-Haqq qui m'appartient de droit d'origine; le nom de créature n'est qu'un nom d'emprunt et une formule distinctive."
Il me dit : "Voile ce symbole; et laisse le mur s'écrouler sur le trésor, afin que ne puisse l'extraire que celui qui a mis son âme à dure épreuve et regardé sa mort en face."
Puis Dieu - qu'Il soit exalté ! - me dit : "Qu'est-ce que tu es ?" Je répondis : "Je suis deux choses, selon deux rapports différents. En tant que Toi, je suis l’Éternel depuis toujours et à jamais, je suis l'Etre nécessaire qui s'épiphanise. Ma nécessité procède de l'exigence de Ton essence et mon éternité de Ta science et de Tes attributs. 
"En tant que moi, je suis le pur néant qui n'a jamais respiré le parfum de l'existence, l'être adventice qui demeure inexistant dans son adventicité. Je ne possède l'être qu'aussi longtemps que je suis présent avec Toi et pour Toi. Rendu à moi-même et absent de Toi, je suis celui qui n'est pas tout en étant."
Il me dit ensuite : "Et Moi, qui suis-je ?" Je répondis : ""Tu es l'Etre nécessaire par Soi, seul parfait en Son essence et en Ses attributs. Mieux : Tu transcendes par la perfection de Ton essence la perfection de Tes attributs. Tu es le Parfait en tout état, le Transcendant à l'égard de tout ce qui peut venir à l'esprit."
Il me répondit : "Tu ne Me connais pas !"
Je Lui dis, sans craindre de manquer de respect : "Tu es Celui à la ressemblance de Qui sont toutes les créatures contingentes. Tu es le Seigneur et le serviteur, la proximité et l'éloignement, Tu es l'Un et le multiple, le Sublime et l'infime, le Riche et l'indigent, l'adorateur et l'Adoré, le contemplant et le Contemplé. En Toi se conjoignent les contraires et les opposés. Car Tu es l'Apparent et le Caché, le voyageur et le sédentaire, Celui qui sème et Celui qui cultive. Tu es Celui qui se joue, qui ruse et qui trompe. Tu es la Réalité suprême et je suis la Réalité suprême. Tu es créature et je suis créature. Tu n'es ni ceci ne cela et je ne suis ni ceci ni cela."
Il me dit : "Cela suffit. Tu Me connais ! Cache-Moi de ceux qui ne Me connaissent pas. Car la Seigneurie a un secret et, s'il était révélé, la Seigneurie serait anéantie. Et la servitude a elle aussi, un secret; et, s'il était révélé, la servitude serait anéantie. Loue-Nous pour ce que Nous t'avons enseigné à Notre sujet : car tu ne peux Nous connaitre par un autre que Nous. Rien ne conduit à Nous, que Nous-mêmes !"
Extrait de : Écrits spirituels.


Je suis Dieu Je suis créature Je suis esclave et Je suis Seigneur
je suis Trône et natte étendue
Je suis Enfer et Paradis
Je suis eau Je suis air et feu Je suis terre nue
Je suis "combien" Je suis "comment"
Je suis ce qui se perd ou se trouve
Je suis union Je suis faveur Je suis proche et Je suis lointain
Je suis Essence Je suis Qualité
Je suis ce qui était Je suis ce qui sera
Poème XVIII, Extrait de : Poèmes métaphysiques.

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